« Chine-Mongolie – 1879 »
Le 24 avril 1879,
J’arrive à Shanghai, venant du Japon. Le lendemain de mon arrivée, je vais rendre visite à Mr Morel, consul de Belgique, qui me reçoit avec toute l’amabilité qui le caractérise. Il m’apprend que 2 missionnaires belges, Mrs De Boeck et Kissels, viennent d’arriver de Bruxelles en route pour la Mongolie, et il ajoute que ce serait pour moi une excellente occasion de visiter ce pays éloigné et si peu connu. Mon parti est bientôt pris, au lieu de me rendre à Java, je pars pour la Mongolie |
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Ainsi débute un extraordinaire manuscrit. Il s’agit de notes de voyage qui pourraient être intitulés « Chine-Mongolie – 1879 », un des nombreux manuscrits de l’auteur qui se nommait Alfred Blondel.
L’ensemble des manuscrits de voyage de Blondel a été miraculeusement conservé au fil des décennies et remis sous forme récemment par une de ses descendantes, Madame Martine Bouquelle de Bruxelles, avec la collaboration de sa sœur (arrières-petites-filles).
Miraculeusement conservés est le mot car la maison familiale d’Alfred Blondel, à Tournai, avec ses souvenirs si précieux fut détruite par un incendie. Mais, à cette triste époque, il se fait que les manuscrits se trouvaient à un autre endroit, attendant depuis deux générations les âmes pieuses et dévouées qui entreprendraient de décrypter les notes de voyage de leur aïeul, souvent rédigées à la hâte ou dans des conditions de confort non adaptés.
Alfred Blondel était issu d’un milieu bourgeois et aisé bien que sa mère soit veuve de Monsieur (Pierre) François Blondel (x Marie Guillochin) depuis qu’Alfred était âgé de quelques mois. Le père était un haut magistrat du dernier empire français, dans la ville de Douai. Sa mère ayant des biens dans la ville de Mons, en Belgique, elle y aménagea.
Alfred Blondel se mit à voyager de par le monde pour parfaire ses études. Il semble qu’il était ingénieur et, comme nous le verrons, il s’intéressait fort aux mines, tant de minerais métalliques que de houille. Nous verrons qu’il trouva en la personne de Paul Splingaerd, le compagnon idéal pour ses recherches étant donné les connaissances qu’avait celui-ci de la géomorphologie que lui avait enseigné le baron Von Richthofen lors de leurs pérégrinations communes.
Ce merveilleux conteur va nous emmener pendant quelques semaines avec Paul Splingaerd, qui était à cette époque trafiquant de fourrure et poils de chameau, de véritables trésors commerciaux qu’il fallait aller chercher régulièrement dans les steppes de Mongolie.
NOTE: Je ne présente ici que des extraits qu'une quinzaine de pages du manuscrit qui en compte près de cent.
30 Avril
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Vers le soir, nous recevons la visite de Mr Splingaerd, négociant belge établi en Mongolie. Mr S est un enfant de Bruxelles, il semble avoir 35 à 38 ans. Il est petit, ni gros ni maigre, d’un esprit gai et très en train. Il a le caractère très ouvert et me semble tout de suite on ne peut plus sympathique.
Arrivé en Chine il y a une quinzaine d’années, Mr S a été longtemps interprète à la légation allemande à Pékin.
C’est en cette qualité qu’il a voyagé dans toute la Chine avec le baron Von Richtoven, géologue allemand.
Il a pu lui rendre de grands services grâce à sa connaissance des langues.
Il parle flamand, français, anglais, allemand, chinois, japonais et mongol !.....
Depuis longtemps il est habillé à la chinoise et j’ai constaté par sa longue queue que notre chevelure est apte à être dirigée à la manière des enfants de l’Empire du Milieu.
Mr S a épousé une chinoise de noble famille.
Il habite la ville de Kou-Kou-Khoten, non loin du Hoang-Ho, le fleuve jaune, où il fait commerce de poils de chameau.
Associé depuis peu avec un Allemand, il a fondé un dépôt de marchandises à Kalgan, ville se trouvant sur la grande muraille de Chine.
Notre compatriote arrive justement d’Ourga (Oulan Bator), frontière entre la Mongolie et la Sibérie.
Il me donne les détails les plus intéressants sur ce dernier pays.
Aujourd’hui 1er mai,
Mr Splingaerd veut bien nous piloter dans la ville de Tien-Tsin.
Mrs De Boeck, Kissels et moi-même enfourchons bravement de misérables baudets et à quatre nous faisons notre entrée solennelle dans la grande ville de Pe-Tchi-Li.
Tien-Tsin est une ville de 600.000 habitants située à 60 km de la mer sur un terrain plat et marécageux, au confluent du grand canal avec le Pei-Ho.
C’est ce fameux grand canal qui relie le Pei-Ho avec le fleuve Jaune et le Yang-Tse-Kiang au fleuve Bleu.
Un grand mur d’enceinte crénelé avec des fossés marécageux puants est ce qui frappe d’abord le visiteur.
Cette ville est immense et se trouve encore agrandie par un faubourg situé au nord.
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Grâce à Mr Splingaerd qui a une connaissance approfondie du chinois, nous faisons quelques acquisitions.
Les deux missionnaires achètent des peaux de loups gris de Mongolie, peaux qui constitueront désormais toute la literie de leurs couches car dans ce pays on dort toujours sur le sol et on ne sait pas ce qu’est un lit. Les négociants de Tien-Tsin se montrent polis à notre égard.
En entrant dans une maison, le marchand nous fait « chin-chin »
On entend par chin-chin le salut à la manière chinoise.
Dans ce genre de salutation, on porte les mains jointes à la hauteur de la poitrine, puis on branle la tête du côté gauche en prononçant les mots chin-chin.
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Vers une heure nous sommes de retour à la mission.
Il est décidé que demain nous partirons pour Pékin non par la route de terre mais en remontant le Pei-HO.
Nous avons la chance d’avoir la compagnie de Mr Splingaerd qui retourne en Mongolie.
Vers le soir, le consul de Belgique me fait parvenir mon passeport pour Pékin.
C’est un beau chef-d’œuvre de calligraphie chinoise.
Il y a ceci à noter, c’est que nos noms ne peuvent se traduire en chinois ou qu’il n’existe pas de caractères pour les imprimer.
Le mandarin de Tien-Tsin me baptise du nom de « Pou-Lon-Tchou ».
Quel rapprochement entre ce nom et celui de Blondel ?
Je n’ai jamais pu le deviner.
5 mai
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Le lendemain, l’excellent Mr Splingaerd veut bien me diriger dans la ville. Il me conduit tout d’abord sur le mur d’enceinte afin d’embrasser d’un coup d’oeil les toits caractéristiques de Pékin.
Cette immense cité se compose de deux parties bien distinctes, la ville chinoise et la ville tartare. Ces deux villes sont rectangulaires et accolées l’une à l’autre et entourées chacune par une haute muraille si bien que le mur Sud du quartier Tartare forme le mur Nord du quartier Chinois.
L’étendue de ces 2 villes est d’environ 40 km carrés.
Il est fort difficile d’assigner un chiffre à la population de Pékin, le gouvernement Chinois n’ayant jamais fait de recensement. Les uns parlent de 2 millions, d’autres de 1 million et même de 900.000 habitants. Il est fort probable que le nombre exact n’excède pas 600.000 âmes.
Quand on jette un coup d’œil sur cette ville, ce qui frappe d’abord, ce sont tous ces toits de couleurs différentes. Beaucoup de maisons sont recouvertes de tuiles vernies et colorées. Il y a des toits bleu ciel, jaune orange et vert tendre. Cela a quelque chose de fort étrange, et par un beau soleil, c’est certainement fort joli.
Le palais de l’Empereur occupe un vaste rectangle au centre du quartier Tartare. Là tous les toits sont jaunes, cette couleur est propre à toutes les constructions impériales.
Ca et là, de grands jardins, des bouquets d’arbres et des parcs tranchent sur toutes ces constructions monotones et ces rues qui se coupent à angle droit.
C’est du haut du mur d’enceinte qu’on jouit de la plus belle vue de Pékin. Ici on domine toute la ville et l’œil suit parfaitement tous les côtés du parallélogramme formé par les 2 cités.
Le mur d’enceinte est vraiment gigantesque, il a 33 Km de long, il repose sur des fondations en pierre et est formé de deux murailles légèrement inclinées l’une vers l’autre, l’espace laissé vide ayant été comblé de terre.
Le rempart a une hauteur de 13 m et une largeur de 10 m au sommet.
C’est en nous promenant sur ce mur que Splingaerd et moi nous nous rendons à l’observatoire établi sur la muraille même. Cet observatoire a été construit en 1.674 par ordre de l’Empereur Kang-Hi sur les plans du père Verbiest, jésuite Belge né à Pittem, près de Courtrai.
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Aujourd’hui, Splingaerd et moi devons aller dîner au Pei-Tang, Monseigneur de Laplace nous a envoyé hier soir une invitation. Pour nous rendre de l’hôtel à la mission, nous traversons toute la ville et c’est en fiacre que nous arrivons au Pei-Tang.
Le fiacre de Pékin mérite certes une description: figurez-vous un véhicule sans ressorts, sans siège, recouvert de toile bleue et tiré par une mule. Cela ressemble plus à une charrette qu’à autre chose. Il paraît qu’au temps de Confucius cet appareil de torture existait déjà.
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Vers midi, nous arrivons au Pei-Tang, qui comprend l’évêché, la cathédrale et le séminaire catholique de Pékin.
Splingaerd et moi sommes reçus avec affabilité par Monseigneur Delaplace, par Mr Favier, son vicaire général, et par les autres missionnaires.
Tous ces messieurs sont membres de la congrégation des Lazaristes de Paris qui possède toutes les missions catholiques du Pe-Chi-Li, sauf une petite partie du Chi-Li méridional qui est aux Jésuites.
8 Mai
Aujourd’hui, Mrs De Boeck et Kissels partent pour la Mongolie.
Splingaerd que des affaires retiennent encore à Pékin se propose de m’accompagner dans quelques jours jusqu’à la grande muraille.
Le prince Alachan-Wan, frère du roi de Mongolie, vient rendre visite à mon compagnon.
Ce haut dignitaire nous salue d’un affable « chin chin ».
Il est accompagné d’un secrétaire et d’une nombreuse escorte à cheval.
Bien qu’il me soit impossible de comprendre un mot de la conversation, je trouve que ce prince ne semble pas être hostile aux Européens et qu’il a un air bon enfant assez plaisant.
Une partie des soldats de son escorte qui se tenait tout d’abord à la porte finit par entrer dans la salle et, à la fin de la visite, certains d’entre eux se sont assis dans les canapés.
Il y a entre les hauts dignitaires chinois et leurs subalternes un mélange de hauteur et de camaraderie fort curieux.
Après son départ, S. m’apprend que ce prince a un autre frère qui est un Bouddha vivant. On sait que les Bouddhistes donnent ce nom à quelques personnages élevés au rang de la divinité.
Le roi de Mongolie doit toujours épouser une fille de l’empereur de Chine, le roi actuel est marié à une fille du prince Kang.
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Le soir, Splingaerd m’annonce que ses affaires sont terminées et que nous partirons demain pour la Mongolie
9 Mai
A 5h du matin, branle-bas général dans tout l’hôtel.
Nous allons voyager en palanquin jusqu’à la grande muraille.
Notre caravane se compose de mon excellent compagnon, de moi, d’un cuisinier, de mon interprète Chang et de 4 muletiers. Nous avons 4 mulets de bagages et 4 de palanquins.
Le palanquin est une sorte de large chaise à porteur sans siège, on s’y tient couché comme dans une litière. Il est soutenu à l’avant et à l’arrière par une paire de brancards, 2 mulets portent cet étrange appareil.
Différents moyens de locomotion, en ville: le pousse-pousse et trois sortes de chaise à porteurs différentes
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A cette époque de l’année, les champs de blé sont bien verts et les rizières font l’effet de marécages.
De nombreux enfants jouent sur les routes en se roulant dans la poussière.
Ca et là on entend pousser en nous voyant le cri de « yan-qué-dzé » ce qui signifie « diable d’étranger ».
La curiosité de la population commence à m’ennuyer; quand nous traversons un village, c’est toujours au milieu de deux haies formées par les curieux accourus pour me voir. Je ne dis pas « nous » car Splingaerd, habillé à la chinoise, attire beaucoup moins les regards.
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L’intérieur des chambres est on ne peut plus simple, le sol est en terre battue, le plafond compose le toit, les murs blanchis à la chaux il y a 10 ans, un long kan chinois occupe tout un côté de la pièce.
Le kan est une aire plane en maçonnerie à hauteur d’1m au dessus du sol.
Il y a dans cette masse de maçonnerie des conduites continues faisant zingage aboutissant d’un côté à un foyer et de l’autre à une cheminée.
En brûlant quelques fagots, on arrive très rapidement, à chauffer la surface du kan; c’est là-dessus que les voyageurs étendent une peau de loup et, qu’enveloppés d’une couverture, ils s’abandonnent au sommeil.
Voici une rare photographie de ce qu'est un kan ou kang. On y lit, on y dort, on y joue.
C’est entourés par 30 personnes au moins, que Splingaerd et moi mangeons notre souper. Tout le village voudrait entrer, c’est si drôle, si curieux de voir des Européens manger, c’est comme si on allait voir le repas des bêtes fauves dans une ménagerie !….
Ne critiquons pas trop la curiosité chinoise, l’autre jour Montagne de la Cour à Bruxelles, j’ai vu un pauvre …….. suivi par 50 personnes.
Mon compagnon qui connaît le chinois comme sa propre langue est extrêmement gai et amusant dans ses réparties.
Un petit bossu, croyant que seules nos mains et notre visage sont blancs, lui demanda si nous avions le corps jaune. « Oui », lui répondit Splingaerd, « nous sommes de deux couleurs. C’est comme toi, sauf ta figure et tes mains, je sais que tu es tout noir »
12 mai
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Voulant goûter de la cuisine chinoise, S. et moi faisons consister notre déjeuner en « tiffin », nom que les chinois donnent au second déjeuner, par une soupe
où nagent de longs filaments de pâte d’avoine, comme les vermicelles chez nous. Cette soupe est suivie d’une bouillie de grains de millet, grains qui ont été au préalable décortiqués de la paille qui les entoure.
Cette nourriture fait involontairement songer au rapport qui existe entre les serins et les Chinois….Enfin une grillade de je ne sais quel animal vient compléter avantageusement les deux bouillies précédentes. Comme pain, nous mangeons des petits cubes de pâte blanche compacte recouverte d’une lisse croûte jaune.
19 mai
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Mais voici que nos palanquins arrivent près de la mine de houille dont j’ai parlé hier.
A notre droite se trouve une suite de collines schisteuses et c’est paraît-il là que se trouve le gisement houiller en question.
Nous mettons pied à terre en face de la porte d’une mauvaise masure dans laquelle se trouve l’entrée de la mine.
Ici a lieu un long pourparler entre S. et le chef porion, celui-ci ne veut pas nous laisser entrer.
Je lui fait poser des questions sur la richesse, l’épaisseur, la direction, l’allure de la mine et des veines exploitées, sur la profondeur des travaux souterrains, la ventilation, le mode d’extraction employé, etc…
A toutes ces questions, mon Chinois se contente de me regarder bêtement en balançant la tête, ou de répondre par une belle stupidité.
Voyant qu’il n’y a rien à en tirer, S. finit cependant par le décider à nous laisser entrer dans la mine, comme guide il nous donne un enfant de 15 ans aux yeux baissés et à l’air béat. Il va sans dire qu’il serait impossible à ce dernier, même avec la meilleure volonté du monde, de répondre à la moindre question.
Nous retroussons nos pantalons, je m’affuble d’un bonnet de laine et j’accepte une mauvaise petite lampe en fonte, avec une mèche noyée dans l’huile, qui doit nous servir de luminaire.
La porte de la mine étant ouverte, figurez-vous un long boyau en plan incliné, à section carrée ayant environ 1m 50 de côté.
Le boy marche devant, Splingaerd et moi suivons.
Nous descendons à pas comptés, nous descendons encore, nous descendons toujours. Nous glissons souvent sur le terrain spongieux que foulent nos pieds.
A un moment, mon compagnon tombe par terre et, dans sa chute, éteint sa lampe et la mienne.
L’atmosphère est humide, chaude et lourde, nous sommes en transpiration et descendons toujours. Pliés en deux, tantôt rampant, tantôt glissant, nous trouvons cette promenade souterraine peu récréative, surtout après un parcours d’1/2h car nous ne voyons rien.
Enfin, nous arrivons à un chantier au front de taille inexploité, la veine a environ 20 cm d’épaisseur. Le boisage est très restreint, aussi voyons nous de nombreuses traces d’éboulement.
Notre boy dit que, plus loin, nous verrons des ouvriers travailler. Le sol de la galerie est maintenant très humide, cela tient à ce que nous rencontrons des ouvriers portant des vases remplis d’eau, vases qu’ils remontent à la surface et qu’ils répandent plus ou moins le long de leur route.
Il faut dire que ce système d’épuisement est bien primitif !
L’air devient de plus en plus rare, nous respirons difficilement, souvent nous sommes obligés de nous arrêter pour reprendre haleine, la sueur ruisselle de nos fronts et nous avançons toujours.
S. demande à l’enfant si nous sommes bientôt arrivés au front de taille, il répond que non.
La galerie se rétrécit tellement que nous marchons pliés en deux, trempés et pataugeant dans la boue. Fatigué de ne rien voir, S. presse notre boy de questions et il finit par dire que, plus loin, nous aurons à longer une galerie immergée sous deux pieds d’eau et que là l’air sera encore plus raréfié et plus chaud.
Nous tenons conseil et S. est d’avis de ne pas pousser plus loin nos pérégrinations souterraines. Il me représente que nous risquons d’étouffer, que nous serons trempés jusqu’à la taille et que ne pouvant pas nous changer, nous serons tenus de garder ces vêtements mouillés toute la journée.
J’avoue que mon ardeur d’ingénieur, déjà calmée par la raréfaction de l’air et le bain de pieds dans lequel nous pataugeons, finit par être vaincue par les arguments de S.
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……….. remontés dans nos palanquins à la sortie de la mine, nous continuons notre route vers Kalgan, lorsqu’à un moment, notre route bifurque avec une autre.
Quel chemin devons-nous prendre, celui de gauche ou celui de droite ?
S. consulte les muletiers, Chang et enfin le cuisinier. L’on veut aller à droite, à gauche, bref, impossible de savoir quel chemin il faut suivre.
S. me dit alors de remonter dans mon palanquin et de m’y tenir caché. Je le vois s’éloigner et marcher en direction d’un Chinois qui, monté sur un baudet, s’avance vers nous.
Bientôt mon compagnon l’a rejoint et lui adresse la parole. L’homme descend de sa bête et ils causent longuement. Voilà 5 minutes qu’ils parlent et l’entretien ne paraît pas devoir finir de sitôt. Au bout de 10 minutes, S. revient et ordonne aux muletiers de prendre le chemin de gauche, et nous voilà de nouveau sur la route de Kalgan.
Intrigué par cette longue conversation, je descends de mon palanquin et vais vers S.
- Hé bien, qu’aviez vous de si long à dire au citoyen que nous venons de rencontrer ?
- Je lui ai demandé notre chemin.
- Et pour cela, vous avez parlé 10 minutes ?
- Certainement, en Chine il le faut.
- Comment cela ?
- En Chine, il faut parler 10 minutes rien que pour demander son chemin. Si vous êtes à cheval, à baudet ou à chameau, vous devez descendre de votre monture, ainsi le veut la politesse Chinoise. Puis vous lui adressez la parole, lui souhaitez le bonjour, lui faire remarquer que le temps est beau, que les récoltes sont pauvres ou riches, s’informer de sa santé, ajouter que ses enfants doivent être bien beaux à en juger par leur père, enfin lui parler de ses chevaux, de sa maison, de son village, de ses vêtements etc etc… Après tout cela, vous pouvez lui demander de la façon la plus naturelle et la plus indifférente s’il ne sait pas quel est le chemin qui mène à tel ou tel endroit. Alors seulement a-t-on des chances que l’indication donnée soit exacte.
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Pour retourner à l’auberge, nous sommes accompagnés d’un domestique porteur d’une grande lanterne en papier qui sert à guider notre marche.
Aucune ville en Chine n’est éclairée le soir; aussi, pour avoir une idée exacte de qu’est Pékin la nuit, il suffit de s’enfermer dans un cabinet parfaitement obscur.
Cette promenade de nuit a quelque chose de très original, ça et là on aperçoit soit un lampion éclairant l’intérieur d’une boutique, soit la lueur fugitive d’une lanterne de papier car on ne circule la nuit que porteur d’une lanterne.
Nous arrivons après être passés par des rues et des ruelles plus sombres et plus noires les unes que les autres à une des portes de la ville.
Comme notre auberge est en dehors de l’enceinte, il s’agit de nous faire ouvrir cette porte.
(Toutes les portes des villes chinoises s’ouvrent et se ferment au lever et au coucher du soleil).
Le caporal, lanterne en main, ne semble pas décidé à nous laisser passer.
Splingaerd entame une longue conversation avec lui et finalement, lui glisse un chapelet de sapèques en main. Alors seulement, la porte s’ouvre.
Dans le nouveau monde comme dans l’ancien, l’or est le passe-partout universel…
20 mai
Il est impossible à un fonctionnaire chinois de vivre avec ce que le gouvernement lui alloue. Si ma mémoire est bonne, un général de division reçoit 400 francs d’appointement, il est évident que dans ces conditions, les mandarins n’ont que le droit d’être pauvres et misérables.
Or, tel n’est pas le cas.
Cela tient au fait que tous ces Messieurs, au lieu de se contenter de leur salaire, soutirent tout le reste aux populations avec lesquelles ils sont en rapport.
Leur casuel dépasse de beaucoup leur actif, ils pratiquent largement le « tour du bâton ».
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C’est totalement faux car la vente du mandarinat est une des importantes recettes du gouvernement.
Toute l’administration chinoise est gangrenée et pourrie de haut en bas. Ce qui le prouve bien, c’est que les Chinois qui détestent les Européens, ont cependant recours à eux pour administrer leurs douanes, dans le but de bénéficier de leur honnêteté.
Les douanes administrées par les mandarins rapportent cinquante fois moins que celles administrées par le célèbre Mr Hart et ses employés européens. Les employés européens sont fort bien payés et ils sont honnêtes. Le gouvernement chinois en chassant ses propres agents de douane, a rendu un hommage éclatant au caractère honorable des Européens.
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Cette carte représente le trajet Peking-Kalgan-Siwanzé effectué par le commandant Wittamer en 1898. Tiré de André Lederer 'La mission du Cd A. Wittamer en Chine' - 1984
Tout en parlant de ces graves questions, mon compagnon et moi approchons de la ville de Kalgan.
Kalgan est le nom russe, et Tchang-Kia est le nom chinois de cette grande cité.
Nous pressons le pas car nous sommes tout heureux d’arriver à Kalgan. Mon compagnon y a un dépôt de marchandises dirigé par un Allemand Mr Groësel.
La maison de ces messieurs est située en dehors des murs de la ville et j’y trouve un accueil des plus cordial et sympathique.
Comme je l’ai déjà dit, leur commerce consiste à envoyer en Mongolie des caravanes de chameaux chargés d’étoffe, de tissus et d’objets anglais achetés à Tien-Tsin. Ils font alors des échanges avec les Mongols, échanges qui consistent principalement en poils de chameaux. Quand la caravane a échangé tout son chargement, elle retourne à Tien-Tsin vendre tout ces ballots de poils de chameaux et se réapprovisionner.
Cette façon de pratiquer le négoce est certes primitive, mais au point de vue couleur locale, elle ne manque pas d’un certain charme !
On peut voir sur la route des passages continuels de caravanes de 10 à 100 chameaux se rendant les uns à Tien-Tsin, les autres retournant en Mongolie.
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Kalgan est une ville située sur la grande muraille extérieure de Chine, elle est donc la cité frontière de la Mongolie et est située sur un affluent du Wen-Ho.
La population est évaluée à 200.000 habitants.
Son commerce est très important puisque toutes les marchandises échangées entre la Russie et la Chine passent par la Sibérie, traversant la Mongolie en entrant par Kalgan dans l’Empire des Fleurs.
Presque chaque jour à la bonne saison, il y a des départs de caravanes pour Kiatcha, première ville russe que l’on rencontre sur la frontière de Sibérie. De Kalgan à Kiatcha, il y a 1500km, songez qu’il faut traverser tout le désert de Gobi !
Cette énorme distance est parcourue en 10 jours par le courrier de la poste russe, qui aux relais, ne fait que sauter d’un cheval à un autre, et qui galope jour et nuit. Cet homme doit être légèrement démoli quand il arrive à Kiatcha…
Les caravanes de chameaux mettent 30 jours et les convois de charrettes traînées par des bœufs 3 mois pour traverser ces espaces immenses.
19 mai
Aujourd’hui mon excellent ami Mr Splingaerd me propose d’aller à Bourgaltai, première ville mongole sur la route de Sibérie à environ 100 lis de Kalgan.
Montés chacun sur une bonne mule, nous nous mettons en route de bonne heure. Le chemin s’engage dans la chaîne de montagnes que les Chinois appellent Im-Chaun, et les Mongols Tching-Ghan-Oula. Dans ce pays, les chemins sont le plus souvent constitués par le lit des torrents que la saison a laissé à sec, ce ne sont que pierres petites et grosses, ravins creusés par la force érosive des eaux.
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Il faut bien cependant nous arracher à ce beau spectacle car le crépuscule vient et nous devons aller jusqu’à Bougaltaî.
Là, nous trouvons une petite auberge sale, affreuse et puante. Nous devons y passer la nuit sur un grand kan en compagnie d’une vingtaine d’individus, Chinois et Mongols. Pour ma part, je suis allongé entre Splingaerd à ma droite et un gros lama à ma gauche.
Cette nuit me vaudra certainement une bonne partie de chasse !
Vers 23 h, tout ces gens commencent à manger tout en causant et en discutant bruyamment. Je suis si habitué à être un objet de grande curiosité pour les indigènes que je ne fais même plus attention à eux. Agacé de ne pouvoir dormir à cause du babillage de mes compagnons, j’attends avec impatience la fin de leur repas.
Le tableau n’est cependant pas dépourvu de couleur locale, notre chambre est assez grande, éclairée par trois misérables petits lampions à l’huile. Je ne puis distinguer ni les coins ni le plafond de la pièce, je ne vois que ce qui se trouve dans les espaces éclairés dont les trois lampes forment le centre, en dehors de ça règne l’obscurité la plus épaisse.
Voici un Chinois occupé à peigner sa longue queue, quelle belle chevelure, son voisin mange avec ses doigts de longs filaments blanchâtres qu’il pèche dans une marmite, j’ai appris depuis lors que c’était de la farine d’avoine réduit en vermicelles.
Mon gros lama, lui, dit tout haut une sorte de chapelet, un boiteux plus loin fume un tabac qui empeste toute la chambre, trois dormeurs au bout du kan ronflent avec ensemble, un grand diable de Mongol fait sa pédicure, ce qui n’améliore pas l’ensemble des parfums que l’on respire ici.
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Il est passé minuit, on continue à causer, à rire, à ronfler. Impossible pour moi de fermer l’œil.
C’est joli la Mongolie, ça a beaucoup de cachet, mais franchement en ce moment, je préfèrerai un peu moins de cachet et un peu plus de sommeil…
Splingaerd qui est habitué au bruit des auberges chinoises dort comme si de rien n’était.
Enfin, les conversations cessent et tout le monde se couche, encore un moment et je pourrai dormir. C’est curieux comme ces gens s’endorment vite, aussitôt couchés, aussitôt endormis. Allons bon, voilà le ronflement général qui commence, quelle musique Grand Dieu ! Chacun dans un ton différent et le chien aussi qui se met de la partie…
20 mai
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Un gros joufflu se détache du groupe et adresse la parole à Splingaerd. Il parait qu’il nous invite à entrer dans sa tente. Mon cher compagnon est vraiment étonnant, le voilà qui converse avec les Mongols avec la même facilité qu’avec les Chinois !
Descendus de nos mules, nous pénétrons par une porte en bois très basse dans le logement de ce brave homme.
Les tentes mongoles sont circulaires, en forme de parapluie, elles ont 4 ou 5 mètres de diamètre et 3 mètres d’élévation au centre. Le bas est formé par un assemblage de claies en bois mobiles pouvant s’étendre et se resserrer à volonté, le toit a la disposition des baleines d’un vaste parapluie. Cette carcasse fait songer à nos cages à poulets. Un large trou est ménagé au centre du sommet du toit, c’est par là que s’échappe la fumée.
La porte est à deux battants avec un seuil formé d’une épaisse traverse de bois.
De longs morceaux de feutre très épais en poil de chameaux couvrent le toit et les côtés de la tente, le sol est ça et là recouvert de tapis.
Au milieu, un feu d’excréments de chameaux émet une abondante fumée qui remplit tout l’espace de la tente et rend l’air presque irrespirable.
L’intérieur est divisé en deux parties, le côté droit est réservé aux femmes et le côté gauche aux hommes. Nous entrons par le côté gauche.
Ces gens nous font un excellent accueil et nous offrent du thé et de l’eau de vie faite avec du lait de jument fermenté.
21 mai
Le lendemain, nous reprîmes la route de Kalgan, nous rentrons de nouveau dans les montagnes.
S. me conte tout ce que nos Mongols d’hier lui ont dit, et il me donne des détails très curieux sur les mœurs de ces populations.
Les mariages sont faits par les entremetteurs, l’influence et l’autorité des parents est absolue, les futurs époux ne se connaissent pas, souvent même ils ne se sont jamais vus. La jeune fille n’apporte jamais de dot, c’est le jeune homme qui doit l’obtenir en faisant des cadeaux à la famille de sa future épouse. Les cadeaux sont réglés d’avance dans les détails les plus minutieux. Le contrat de mariage est un véritable contrat de vente. Les Tartares disent « nous avons vendu notre fille à telle famille … j’ai acheté pour mon fils la fille d’Untel ».
Les entremetteurs marchandent, ils font la hausse et la baisse et quand, enfin, le nombre de moutons, de bœufs, de livres de beurre, de pièces de toile, etc… est bien déterminé, alors seulement le contrat est signé et la fille appartient à son acquéreur.
22 mai
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L’heureux temps que j’ai passé à Kalgan dans la demeure de Mr Splingaerd en compagnie de Mr Groesel son associé est un temps que je me rappelle toujours avec plaisir, ces deux messieurs ont été si bons, si aimables pour moi, toujours désireux de me faciliter mes excursions, mettant à ma disposition leurs chevaux, leurs chameaux, leurs mules et leurs domestiques, en un mot toute leur maison à ma disposition, que je tiens à leur témoigner ici toute ma reconnaissance.
Jamais je n’oublierai les excellents liens d’amitié qui se sont établis de suite entre Mr Splingaerd et moi.
Cette carte postale ancienne nous donne une vague idée de ce que pouvait être une ville chinoise à la fin du 19 eme siècle. Il est clair qu'un Européen devait y être désorienté. On observera la proximité de la montagne mais on n'y voit pas la Grande Muraille.Désirant passer la fête de l’Ascension au siège de l’Evêché de la mission Belge, mon excellent ami S. a encore l’extrême amabilité de m’accompagner à Si-Wan-Tse. C’est à dos de mule que nous faisons cette excursion, nos bagages sont mis dans une charrette et laissés à la garde de Chang, mon domestique.
Sortis de Kalgan par la porte percée dans la Grande Muraille, nous voici de nouveau en Mongolie. Nous suivons une assez large vallée, souvent nous passons et repassons à gué le vaste torrent qui y serpente.
C’est toujours le même paysage, nu et aride, des montagnes schisteuses grises sans végétation, des torrents rocailleux et des fonds de vallées unis et plats.
Bien que nous soyons en Mongolie, nous cheminons ici dans la chaîne de montagnes qui sépare la Chine du plateau Mongol et ce pays ne ressemble nullement à la Terre des Herbes.
Voici un village entièrement chinois, les maisons sont en terre, les toits et les murs, cela ressemble aussi à un village Lapon.
Le soir, nous arrivons à Kao-Hia-Yung……..et nous nous dirigeons vers l’humble mission dont Mr Otta est le chef.
Le pauvre Mr Otta est si content, si heureux de recevoir un Européen chez lui qu’il me communique sa joie et son bonheur.
Il nous reçoit d’une façon vraiment princière, vu les ressources de son village. Songez que Kao-Hia-Yung n’a que 1000 habitants et sur ce nombre 144 seulement sont Chrétiens. La petite église est ma foi fort simple, mais c’est propre et bien tenu, le presbytère est petit mais bien arrangé.
Au grand bonheur des Chrétiens assemblés dans la cour, j’entonne la Brabançonne avec accompagnement de Splingaerd et aux applaudissements de Mr Otta.
23 mai
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Ayant séjourné plusieurs jours à Si-Wan-Tse et ayant rayonné de là dans diverses directions, je résume ici tout ce que j’ai appris touchant les Missions catholiques de ce pays.
Pour commencer par Si-Wan-Tse, je dirai que ce village de 1.800 habitants, sauf trois familles, est entièrement chrétien. Il renferme une jolie église, un évêché qui, sans être luxueux, est assez convenable, un séminaire et un établissement de la Sainte Enfance dirigé par un ordre de Vierges Chinoises.
Splingaerd me propose ce matin d’aller visiter avec lui une mine argentifère qui se trouve à Ghol-Tchin. De Sin-Wan-Tse à cette mine et retour, il y a 12 lieues ; Ici, cela paraît une promenade.
Nous partons tous deux sur des chevaux de la mission, ce sont de bons petits poneys mongols qui vont comme le vent.
Je vois pour la première fois lors de cette excursion ces immenses corbeaux qui, en Mongolie, remplissent le rôle de fossoyeurs.
Vers midi, doutant du chemin que nous devons suivre, mon compagnon entre dans une ferme pour demander la route. Là, descendu de cheval, il cause longtemps avec un vieux Chinois tandis que je fais à cheval le tour de la cour intérieure de la ferme.
Enfin, S. remonte sur son poney et me dit d’un air assez contrarié :
« Vous êtes la cause que cet homme m’aura certainement donné de fausses indications »
« Pourquoi ? » répliquai-je
« Parce que vous l’avez offensé gravement en entrant chez lui sans descendre de votre monture. Les Chinois disent qu’il n’y a que les gens qui ont perdu la face (c'est-à-dire l’honneur), en un mot les brigands, qui se conduisent ainsi. Ils restent à cheval pour le cas où ils tomberaient dans un traquenard, ainsi ils pourraient détaler plus vite. »
Après bien des hésitations, des marches et des contremarches, nous trouvons la mine. Elle est aujourd’hui complètement abandonnée et n’offre plus rien d’intéressant.
Nous mangeons un morceau à Pai-Quai-Cou, petite Chrétienté chinoise dotée d’une bien misérable église. Nous y trouvons un prêtre chinois catholique qui se met en quatre pour nous bien recevoir.
Le soir, nous sommes de retour à Sin-Wa Tse. Toute la journée il a fait un vent furieux et froid, on voit bien qu’il vient de Sibérie.
22 mai
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Cette nuit, j’ai entendu le veilleur de la mission passer près de ma chambre. Ces veilleurs ont une singulière habitude ; ils circulent avec une lanterne et frappent des petits coups de maillet sur une planche en bois. Le bruit occasionné a pour but de prévenir les voleurs de leur arrivée, de cette façon Messieurs les voleurs ont le temps de se cacher et ne sont pas obligés de faire un mauvais parti au brave veilleur qui n’y tient pas du tout. C’est pour le moins pratique mais je me demande alors à quoi servent les veilleurs de nuit ?......
23 mai
Comme Splingaerd retourne aujourd’hui à Kalgan, je ne veux pas laisser repartir seul mon si aimable compagnon de voyage et je quitte aussi Si-Wan Tse.
Après ces jours heureux passés dans l’excellente compagnie de tous ces bons missionnaires, je me vois forcé de leur dire adieu, emportant pour toujours le souvenir de la cordiale réception de Monseigneur Bax.
1 juin
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Ce soir Mr Splingaerd quitte Kalgan pour aller rejoindre sa famille qui habite Kou-Kou-Khaten, en chinois Kowi-Kwa-Tseung, ville très importante située en Mongolie, non loin du Hoang-Ho ou fleuve Jaune.
Zhangijakou
Vu le peu de chances que j’ai, sans autorisation spéciale du gouvernement chinois, de pouvoir visiter les mines de houille qui se trouvent près du Hoang-Ho, je renonce à accompagner plus loin mon si aimable compagnon. Cette simple excursion demanderait de 25 à 30jours et exigerait de 1.000 à 1.200 kilomètres à cheval, à chameau et à pied.
Monsieur Splingaerd nous quitte en emportant tous mes remerciements et aussi tous mes regrets de devoir nous séparer.
Quant à moi, je fais mes préparatifs de départ pour le lendemain, cette fois je suis réduit à mes propres ressources, seul Européen accompagné de mon domestique Chang et de trois muletiers. Je dois regagner Pékin distant de Kalgan d’environ 200 km, ce qui exigera 5 jours de voyage.
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Si ces courtes notes de voyage ont intéressé quelque peu mes lecteurs, je les prie de bien vouloir en oublier la forme pour ne se souvenir que du fond
Mons, le 13 janvier 1882
REMARQUES
Lors de son retours en 1906 en Belgique, Paul Splingaerd devenu entretemps fonctionnaire chinois de haut niveau, rendit visite à Alfred Blondel à Tournai.
Monsieur Blondel (Douai, Nord 18 mai1854, + Tournai, Hainaut 10 mars1934) est décédé à l'âge de septante-neuf ans; il avait épousé Elisa (1863-1954), une des filles de Victor Boch - riche industriel faïencier établit à La Louvière - qu'il avait épousé à La Louvière le 8 mai 1883 d'où cinq enfants.
Merci à Madame Martine Bouquelle qui nous a autorisés à publier les lignes remarquables qui précèdent.
Lorsque nous avons entrepris une correspondance avec Madame Bouquelle, elle nous avait confié une photographie conservée dans la famille; elle était sencée représenter son aïeul Alfred Blondel en compagnie de Paul Splingaerd. Voici cette photographie, très abimée:
Cependant, à l'analyse, il ne semble pas que le jeune homme à gauche soit Alfred Blondel. En outre, Paul Splingaerd ne semble pas vêtu comme le serait un commerçant voyageant à longueur d'années avec des mulets et des chameaux. Splingaerd semble plutôt vêtu comme un mandarin.
En réalité, il est probable que cette photo représente le géologue Obrutchev et Paul Splingaerd. Ils se sont rencontré à Suchow pendant plusieurs semaines en 1893.
La famille conteste cette hypothèse. Malheureusement, la maison d'Alfred Blondel ayant été incendiée, il ne semble pas possible que les familles puissent fournir d'autres photos permettant l'identification.
La photo de gauche est de 1896; celle de droite doit être de 1893.
Christian Goens - La Louvière - Belgium - novembre 2009 - juillet 2011 - modifié septembre 2015 - tous droits réservés