UNE EXISTENCE EXTRAORDINAIRE

Ce document extraordinaire, cité de nombreuses fois, a été utilisé par tous les biographes de Paul Splingaerd car il a été conçu, non seulement par quelqu’un qui avait bien connu de son vivant Paul Splingaerd, mais dans un esprit de synthèse absolue, ne livrant que l’essentiel. Le tout dans un français assez littéraire au style coulant.

C’est la raison pour laquelle ce texte précieux vous est présenté ici dans sa version originale.

Le document original dactylographié se trouve sans doute déposé au KADOC à Leuven (Belgique) mais nous ne connaissons pas la référence, le document sur lequel nous nous appuyons provenant de feue Marie Splingaerd-Pourbaix via Anne Megowan.

(Cette retranscription a été faite à partir de la copie de l’original par OCR. Les coquilles et autres fautes d’orthographe ont été corrigées pour favoriser la compréhension et l’éventuelle traduction par un automate).

UNE EXISTENCE EXTRAORDINAIRE

` Par le Rd. Père Steenakers - Missionnaire de Scheut (CICM)

Etre né Bruxellois et mourir Général au service de la Chine avec entre ces deux termes, assez d‘aventures pour remplir la vie de dix chercheurs de ce genre d'agréments 2 tel fut le sort d'un homme dont les journaux européens annonçaient naguère avec regret la mort inopinée.

A cet homme, Monsieur Paul SPLINGAERD, à cet ami dévoué à nos Missionnaires, nous voudrions par une courte notice biographique témoigner notre cordiale reconnaissance

Nos lecteurs ne pourront d‘ail1eurs que s‘intéresser à originalité toute particulière de son caractère et se réjouir des succès remportés au Moyen—Orient, par un compatriote resté jusqu’au dernier jour, le plus jovial des Bruxellois ; on verra qu’à cet entrain de bon aloi, Paul Splingaerd joignit la prudence la plus adroite à une bravoure à toute épreuve.

De condition très modeste, il naquit en 1842 et son service militaire terminé, il partit de Bruxelles pour la Chine en·1865 à la suite de notre Rd. Père Fondateur, le Père Verbist.

Le jeune homme n'avait reçu qu‘une instruction primaire très incomplète mais, vu ses aptitudes naturelles, nos premiers missionnaires comptaient trouver en leur jeune serviteur une aide très utile.

Ils ne s'y trompèrent pas, il fut au courant de la langue chinoise longtemps avant eux, sans avoir ouvert un livre mais s'entretenant du matin au soir avec les gens de la résidence, il fut à même en moins d'un an de débiter en chinois le sermon qu‘un missionnaire lui soufflait en flamand, sa langue maternelle. Par la suite, il devint un véritable polyglotte parlant le français, l'anglais, l'allemand, le chinois avec pas mal de mongol, de turc et de russe.

Après la mort de notre Vénéré Fondateur, Paul est engagé par la légation d‘Allemagne à Pékin et fut chargé de missions très délicates dont il sut s'acquitter avec succès, tout en échappant, grâce au sang-froid le plus extraordinaire, à plus d'un péril imminent de mort·

Sur ces entrefaites, vint en Chine le célèbre Baron von Richthoven, ayant pour dessin de tracer la carte géologique de tout l'empire.

Paul était le seul homme capable pour guider le savant dans toutes les provinces. Le voyage dura plusieurs années, au cours desquelles notre ami prit une telle connaissance de tous les dialectes que nul indigène ne put l'égaler sur ce point et que, plus d'une fois, il put servir d‘interprète entre les Mandarins et leurs subordonnés.

D’autre part, dans le récit qu‘il fait des explorations, le Baron Richthoven, décerne les plus grands éloges à son guide dont la bravoure et l'habileté l'avaient tiré de plus d'un mauvais pas.

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Un certain jour, le grand savant se jeta, larmes aux yeux, au cou du petit " Bruxellaire " qui, moyennant un revolver qui ratait tous ses coups, avait fait reculer une bande de brigands.

Monsieur le Comte de Richechouard, Ministre de France, parle de lui dans les mêmes termes pour apprécier des services du même genre rendus au cours d'une excursion de moindre importance.

A la suite de deux autres voyages, entrepris pour calmer la situation, notre ami se fit commerçant de concert avec un Allemand, Mr. Groesel avec lequel il s'établit d'abord à Kalgan, puis à la ville bleue, sise sur la frontière des steppes de Mongolie.

La maison anglaise Jardins Madison siégeant à Shanghai, leur avait avancé des capitaux pour recueillir en Mongolie la laine des moutons et chameaux, le duvet des chèvres, les queues de yacks, des cuirs, etc.

De longues caravanes transportaient ces produits jusqu'à la mer.

Cette vie de courses et d'aventures convenait parfaitement au caractère de Paul dont le tempérament de fer défiait toutes les fatigues.

Un moment il se crut sur le chemin de la fortune, espérance partagée par notre bon Père Verlinden pour lequel Paul était un fils.

Un jour, le vieux missionnaire de sainte et joyeuse mémoire dit à

Paul : Voilà votre affaire en bon train d’opération, il faudrait

vous marier.

" Peut-être, mais il faut être deux pour cette opération, or, en Chine, vous le savez, les mœurs ne permettent pas à un jeune homme de courtiser et c’est la charge du père de procurer une femme à ses fils. Vous êtes mon père, c'est donc à vous de trouver la solution en ma faveur à ce problème chinois ". Je m'en charge Paul, répondit le missionnaire. Or, à l’établissement de la Sainte Enfance d'Eul—Che-San-Ho, sous la direction de religieuses chinoises, le Père Verlinden avait fait admettre quelques jeunes filles de parents chrétiens dans le but de parachever leur éducation religieuse et leur faire enseigner la lecture et l'écriture de leur langue.

L'une de ces pensionnaires joignait à un physique agréable, une belle intelligence et une vertu très solide. Père Verlinden pensa que Catherine alors âgée d‘une vingtaine d‘années, avait les qualités nécessaires pour le bonheur de Paul.

Mais il fallait le consentement de Catherine. Les négociations en ce sens furent longues et laborieuses. Un détail m'en fut révélé, 25 ans plus tard, par une des filles de Paul et de Catherine.

Je demandais à la jeune fille pour quel motif elle voulait se faire religieuse. Pourquoi me répondit-elle avec ce sourire badin qu'elle avait hérité de son père ; j'entre en religion au lieu et à la place de maman car je sais ceci : quand le Père Verlinden demanda à maman d‘épouser papa, maman répondit : " je suis entrée au pensionnat, non pour me marier, mais dans l’idée de me faire religieuse et le Père répliqua : Bah! Plus tard vos filles vous remplaceront comme religieuse ! "

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En fin de compte, la bonne Catherine devint en 1873 la femme de Paul et le bonheur de ces époux fut à la mesure de leur amour réciproque.

La prophétie naïve du Père Verlinden eut aussi son accomplissement, comme je l'exposerai plus loin. Quatre filles de Catherine sont religieuses chez les Dames Auxiliatrices du Purgatoire.

Mais revenons au négoce entrepris par notre ami. Paul était-il un bon commerçant ? Il eut sans doute des moments de succès, mais il avait un petit défaut qui mène rarement à la fortune : la main trop large, le cœur trop généreux, Paul donnait à tort et à travers, au point de dépenser à ce jeu ses bénéfices avant même de les avoir gagnés !

Ses serviteurs chinois n'ayant garde de l'imiter s'enrichissaient et de plus le volaient en alourdissant la laine livrée par adjonction de sable ou d'autres matières.

Bref, notre ami s‘apercevant que son commerce ne prospérait pas selon ses espérances liquida ses affaires.

Il restait à trouver une autre solution. Par le fait de ses opérations commerciales, Paul avait fait la connaissance et gagné l'amitié de Detring, un Allemand alors commissaire à la douane chinoise et homme de confiance du fameux Li-Houng-Tchang (1823-1901) dont le voyage en Europe fit jadis sensation. Présenté en confiance à ce grand personnage par le dit commissaire, Paul fut agréé comme Mandarin et reçut la fonction d'officier de la douane chinoise. On l‘envoya à Hsu-Tchéou, ville située à l'extrémité occidentale de la Grande Muraille, aux frontières du Turkestan, à 500 lieues des côtes ; c'était en 1881.

A Hsu-Tchéou, s‘écoula pour Mr. Splingaerd la seule période tranquille de son existence. La besogne pour lui se réduisait à peu de choses. On avait érigé ce poste pour contrôler le commerce russe, mais les sujets du Tsar, ont peu trafiqué par cette voie.

L'officier des douanes eut donc des loisirs dont il tira profit pour le ciel, en exerçant la médecine. Ses nombreux clients rendaient hommage à la sureté de diagnostiques et plus encore à sa charité, car il se dévouait gratuitement.

Notre médecin improvisé n'attachait guère d'importance à ces éloges intéressés, mais se réjouissait d'avoir par le fait de sa popularité pu baptiser un grand nombre d'enfants à l'article de la mort.

Et c’est à cause de cela, j'en suis persuadé, qu'il mérite pour sa propre famille les bénéfices les plus précieux.

Hsu-Tchéou était située à 50 lieues du poste chrétien le plus proche, celui de Kan-Sou, Une fois par an seulement, la famille Splingaerd recevait la visite du prêtre et se retrempait dans la vie chrétienne par une retraite de quelques jours. Madame Splingaerd dû donc se charger seule de l'éducation de ses enfants ; elle s'acquitta de ce devoir de manière à les conserver dans une innocence ravissante, jusqu'à ce qu‘elle put à Shanghai, les remettre entre les mains d'éducateurs européens.

Et cette première grâce, on le verra, fut le prélude de faveurs plus grandes encore.

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Au cours de son séjour à Hsu—Tchéou qui dura 15 ans, Paul apprit que j’étais désigné pour occuper à Shanghai dans la concession européenne, le poste de procureur de nos missions en Chine et de Mongolie. Il m'écrivit aussitôt me demandant de bien vouloir m'occuper de l'éducation européenne de ses enfants qui, jusqu'à ce moment ne parlaient que le Chinois. Mes relations avec lui dataient de 1874 et la suite, comme on va le voir, n'avait fait que confirmer sa confiance envers moi. Au reçu de sa lettre, j'allais trouver les Frères Maristes qui dirigeaient à Shanghai une école importante ainsi que les bonnes Dames Auxiliatrices du Purgatoire dont les deux grands instituts sont à la disposition des jeunes filles européennes tant protestantes que catholiques. Dans un troisième établissement à deux lieues de la ville, à Si-Ka-Wei, ces dames éduquent charitablement de centaines de jeunes chinoises. De part et d'autre, je reçus l‘accueil le plus favorable et l'on décida de commun accord, d'appeler à Shanghai les cinq ainés parmi les enfants de Paul, trois filles et deux fils. On aviserait plus tard pour les autres.

Averti, l’ami Splingaerd à ne pas marchander sa confiance en moi et au lieu de m‘envoyer les cinq ainés, il m’expédia toute sa troupe : douze enfants et leur mère par-dessus le marché !

De la frontière du Turkestan et après quatre mois de voyage, cette caravane de 9 filles et trois garçons, nous parvint après avoir traversé tout l'empire de l'Ouest.

J‘étais au débarcadère pour recevoir cette famille composée d’une femme chinoise, de douze enfants de sang belgo—chinois ainsi que quelques douzaines de gros coolies.

Les curieux ne manquaient pas pour dévisager cette nouvelle espèce de Chinois et de Chinoises dont les larges pantalons faisaient sensation. Les enfants m'apportaient une lettre par laquelle leur père me cédait ses droits paternels, pouvoir de caser en mariage, de consentir à l’entrée des filles en religion.

Les neuf filles et leur mère furent admises séance tenante chez les Dames Auxiliatrices. Les trois fils furent placés chez les Frères Maristes.

Après leur éducation, trois filles entrèrent en religion chez les Dames Auxiliatrices et prirent par la suite les noms de Mère St. Jérôme, Mère Ste Rosa et Mère Ste Claire, professant les lettres et travaux manuels européens dans un institut pour filles chinoises.

La quatrième fait son noviciat à Si-Ka-Wei. Le fils aîné, Alphonse Bernard remplit les fonctions d'interprète à la Légation de Belgique à Pékin, le second, Rémi, est au service de la société de Kaiping, le troisième, Jean-Baptiste, à l'Institut St.Boniface à Bruxelles.

Deux des filles puinées ont terminé leur éducation et deux autres sont encore en pension. La pauvre Suzanne était déjà morte du choléra quand son père vint à Shanghai en l896.

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Revenons à ce dernier. En 1900, quand la sanglante révolution des Boxers éclata, Monsieur Splingaerd, par un contrat spécial avec le Roi des Belges, faisait partie de la Mission du Colonel Fivé en exploration dans la province du Kan-Sou.

Certain jour, Paul se présenta au bureau du télégraphe de Lan-Théou, capitale de la province. Il fut reconnu par le télégraphiste, un ami de Jadis, qui, stupéfait de le revoir, lui lança ces deux mots :

" Vous ici ? " - "Mais oui, pourquoi? " — "Fuyez ! " — "Pourquoi? ” et le télégraphiste de lui montrer les dépêches de Pékin ainsi que l'ordre officiel de massacrer tous les européens.

Les délibérations ne furent pas longues, on le conçoit, entre Paul et le Colonel Fivé : la seule route à prendre était celle de la Sibérie par le grand désert de Gobi.

D’autre part, la femme du Vice-Roi, couvrant Catherine de sa haute protection, la fit appeler pour la mettre à l'abri de tout péril.

Vraiment les anges veillaient du ciel sur la famille Splingaerd et ces anges n'était—ce pas les âmes des nombreux enfants chinois régénérés par Paul ?

Celui-ci, dès qu'il eut atteint les frontières de Sibérie, désirait beaucoup pousser une pointe jusqu'en Europe. Mais l'inquiétude au sujet des siens le retint à Ourga jusqu‘à la fin du régime des Boxers.

Après plusieurs mois d'attente pénible, il put enfin franchir à nouveau la steppe mongole, rejoindre sa femme et la reconduire auprès de ses enfants chéris.

On a vite fait dans une note biographique d'exposer tous ces voyages.

Mais Paul avait considérablement vieilli et un séjour prolongé dans un port européen de la côte était pour lui absolument nécessaire.

Malheureusement, les circonstances vinrent mettre obstacle à ce projet.

Sous l'action combinée des puissances, le gouvernement chinois avait mis bas les armes. Les massacres et pillages des Boxers avaient pris fin. Mais en nos chrétientés, que de ruines à relever.

Les Mandarins entravaient les répartitions promises par la Chine, nos Missionnaires pensèrent alors à s‘assurer du concours de Mr. Splingaerd, l'homme plein de dévouement d’une part pour la mission et ses œuvres et largement connu et respecté par les autorités chinoises d'autre part.

A la vérité, le terme du contrat qui tenait Paul au service de Sa Majesté n'était pas expiré et l'autorisation pour notre ami de se porter au secours des Missions fut facilement obtenue.

Les difficultés à résoudre étaient nombreuses et délicates. De nombreux brigands continuaient sous un autre nom les tristes exploits des Boxers, il fallait poursuivre ces bandits, des indemnités étaient à régler.

Des centaines de femmes et de jeunes filles chrétiennes enlevées par les Boxers avaient été vendues aux païens et surtout aux Mahométans de l'ouest, il s’agissait de retrouver et libérer ces captives. Un seul homme, notre ami Paul était de taille pour aider nos missionnaires en ces tristes circonstances.

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Notre Ministre de Belgique obtint pour lui faciliter cette tâche, une mission officielle du Gouvernement chinois. Paul fut nommé Général de Brigade et eut à sa disposition une escouade de soldats chinois, armés à l'européenne, gagnés tout aussitôt par sa vaillance et sa générosité, chacun d'eux se seraient fait tuer pour son Général.

Certes, il serait injuste de diminuer, même indirectement, le mérite de nos missionnaires, leur héroïsme à défendre leur chrétienté contre les pillards, leur dénuement à rechercher au loin les victimes de ces brigands.

La façon de Monsieur Splingaerd pour traiter avec les chinois et son zèle sans limite pour la religion, ont donné des résultats impossibles à tout autre.

En effet, ayant l'autorisation officielle de poursuivre les bandits et les livrer à l’autorité locale; ayant aussi le pouvoir de citer les coupables et les obliger à restituer les personnes enlevées et les objets volés, notre cher compatriote légalisait en quelque sorte les revendications de nos chrétientés abolies et donnait à leur défense la force irréprochable de choses réglées par un tribunal.

Notre juge ambulant mit plusieurs mois à remplir ce mandat. Il parcourut de la sorte les deux vicariats de Mongolie centrale et du Sud·Ouest, pour ne s‘arrêter qu'à Lan-Tchéou, capitale de la province de Kan-Sou. En ligne directe et ce fut loin d‘être le cas, le trajet dépasse 500 lieues. Partout il parvint à s'acquitter de sa mission délicate à l'entière satisfaction des Missionnaires et des autorités chinoises.

A Lan—Tchéou, Monsieur Splingaerd apprit que des agents anglais importunaient le Vice—Roi avec leurs offres de service pour l'exploitation des richesses minières et autres de la province.

Le contrat de Paul avec Sa Majesté Léopold II était-il à terme ? Je l'ignore, mais dans l’ardeur de son patriotisme, notre ami s‘offrit au Vice—Roi, s'engageant à se rendre en Belgique, pour en ramener des hommes experts, auxquels ce grand personnage pourrait confier ses entreprises en toute confiance. Le Vice-Roi, lié de longue date avec le Général de Brigade par une intime camaraderie, se décida pour les Belges. Paul reçu la mission confidentielle avec pouvoir de traiter en son nom, d'engager un ingénieur pour examen des puits de pétrole, un homme capable de monter et diriger une fabrique de draps, un chimiste pour analyse des minerais etc.

En janvier 1906, Mr. Splingaerd arrivait à Bruxelles, 4l ans après l'avoir quitté.

Les journaux ont alors parlé longuement du Mandarin belge, général de brigade au service de la Chine, etc.

J‘ajouterai seulement un détail. Avant de partir en Mai pour l’Orient Paul fit pieusement le pèlerinage de Lourdes où par deux fois il s'approcha de la Table Sainte.

Dans le petit vieillard amaigri que nous vîmes en Belgique, on reconnaissait à peine l’athlète de jadis.

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Son voyage de retour ne fut pas heureux.

Les années précédentes avaient profondément miné sa constitution jadis si robuste. Paul supporta mal les chaleurs de tropiques et les incommodités du voyage par mer. L'appétit venant à lui manquer ne fit qu'accélérer le dépérissement.

A Shanghai, le médecin consulté dut déclarer la gravité de la situation et le pauvre papa Splingaerd quitta ses six filles en résidence à Shanghai avec la conviction qu'il ne les reverrait plus en ce monde.

Emmenant avec lui sa femme et ses deux autres filles, il gagne Pékin pour y voir Alphonse, son fils aîné. De là, poursuivant sa route par le Sud-Ouest, il rejoignit à 7 lieues au-delà du Fleuve Jaune, ses compagnons d'Europe, venus de Shanghaï directement par voie de terre.

Ces derniers profitant de l'attente, avaient organisé une caravane qui devait les conduire tous à Lan-Tchéou, chez le Vice—Roi.

Hélas, à Si-An—Fou, ville sise à mi-chemin de ce trajet difficile, notre—Paul dû s'aliter. Par télégramme, il manda de Pékin son fils Alphonse qui ne put arriver que pour recevoir le dernier soupir de son père.

Celui-ci mourut paisiblement le 25 septembre, assisté par les missionnaires de la résidence voisine.

Le lendemain un service funèbre fut célébré par ces missionnaires, en présence de la famille du défunt et de ses compatriotes éplorés.

Le 26 septembre,  la caravane conduite par Alphonse Splingaerd quitta Si—An-Fou pour se diriger vers Lan—Tchéou où le Vice-Roi attendait impatiemment les amis de Paul. Ceux—ci arriveraient vers le 20 octobre.

Apres avoir fait les présentations et réglé les affaires les plus urgentes, Alphonse devait passer par Si-An-Fou, pour y prendre sa mère et ses deux sœurs et les conduire avec les restes mortels de son père vers Pékin.

Homme de devoir avant tout, le Général Splingaerd a conduit sa tâche jusqu'au brisement total de ses forces.

Il a eu la consolation, lui, le sempiternel voyageur, de mourir sous les yeux de son épouse bien—aimée, en pressant les mains de son fils et entouré de dévoués compatriotes.

UNE VIE CHHETIENNE ET LABORIEUSE MERITAIT CETTE FIN CONSOLANIE

GAGE D’UNE RECOMPENSE A LA MESURE DE TANT DE SERVICES RENDUS A LA CAUSE DE DIEU

 

COMMENTAIRES

Le R. P. Steenackers ne donne pas de date à son document, de même qu’il ne donne pas la date d’arrivée des enfants Splingaerd à Shanghai et qu’il a reçus. Mais il donne l’indication précieuse qu’il y avait douze enfants, ce qui inclus Suzanne. Il parle de dizaines de coolies mais ne parle pas de Stanislas. Il ne donne pas la date de départ de Catherine de cette ville. On sait seulement, d’après d’autres sources, qu’elle est restée assez longtemps à Shanghai mais est partie avant le décès de sa fille Suzanne, ce qu’elle a beaucoup regretté.

On est étonné de savoir que Paul cède ses droits paternels (leur père me cédait ses droits paternels, pouvoir de caser en mariage, de consentir à l’entrée des filles en religion.). Ce n’est pas banal. Paul agit comme s’il pensait ne plus les rejoindre et ne plus savoir s’en occuper.

C’est une époque assez bizarre de la vie de Paul Splingaerd. On cherchait après lui et il est resté éloigné de sa famille près d’un an. Heureusement, ils se retrouvent en 1896 à Shanghai pour la fameuse photo. On peut penser que Paul était dans le Xinjiang (Turkestan chinois) pour effectuer chez les Uigurs des missions demandées par Li Hongzhang, suite à l’abandon du poste de douane de Jiayuguan.

Le biographe nous parle de choses que nous ne connaissons pas : « [Richechouard],..... parle de lui dans les mêmes termes pour apprécier des services du même genre rendus au cours d'une excursion de moindre importance. ». Nous ne savons pas de quoi il s’agit. « A la suite de deux autres voyages, entrepris pour calmer la situation, notre ami se fit commerçant». Il élude l’épisode de son procès et ne spécifie pas en quoi il faut calmer la situation.

D’après le récit, étant donné le manque de références sur les évènements ultérieurs, il y a tout lieu de penser que Jean-Baptiste Steenackers a rédigé ce texte dans le courant de l’année 1906 ou au début de 1907, dès qu’il fut au courant de la mort du mandarin, mais les dossiers ne précisent rien à ce sujet. Il n’était plus en Chine à cette époque. Il était un peu plus jeune que Paul Splingaerd. Il est mort à Leuven, en Belgique le 5 avril 1912.

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