Une tentative éphémère : la débâcle de 1911
Cet article est basé sur les documents trouvés par ma collaboratrice Claire Veys au Ministère des Affaires Étrangères à Bruxelles; ils concernent essentiellement les relations entre les familles des Belges qui fuyaient la Chine suite à la Révolution d'octobre 1911, et le corps diplomatique Belge.
Alors que lesdits Belges étaient occupés dans la métallurgie et dans le tissage à Lanzhou dans le Gansu, ont apprend soudain que ces industries coûtaient à la province plutôt que de lui rapporter un bénéfice; comme elles dépendaient du Ministère de la Guerre et de l'Industrie les révolutionnaires mobilisèrent la totalité des ressources de ce ministère et en conséquent, les deux usines furent fermées et le personnel licencié tant étranger que local (60 ouvriers Chinois par exemple). Seuls Robert Geerts et le RP Léo Van Dijck ne furent pas touchés par ces mesures draconiennes et expéditives car ils dépendaient d'un autre ministère en qualité d'enseignants. D'autre part, il faut savoir que les belges étaient en fin de contrat (mais Geerts avait renouvelé le sien au moins jusque 1912): ils étaient prêts pour leur retour en Europe (doit-on supposer) de manière hamonieuse et tranquille.
Il n'en fut rien car les révolutionnaires ou les troupes régulières semaient le désordre et la terreur, pillant et tuant sans discipline, le Président Sun Yat Sen n'ayant pas d'emprise sur les groupuscules isolés des personnages ne parlant pas mandarin. Le télégraphe ayant été détruit, la poste étant immobilisée, la communication entre Lanzhou et Péking ou l'Europe fut réduite à zéro. Les Européens prirent peur alors qu'ils étaient sans toit et empéchés de voyager vers l'Est, c'est à dire Xi'an pour atteindre Pékin et Tientsin. Leur groupe se sépara en deux, ce qui est bien décrit dans les documents diplomatiques et probablement que chacun avait son idée quant au chemin à prendre. Un premier groupe prit la voie du Sud, visant Hankou ou Shanghaï, on ne sait, et était composé de plusieurs étrangers qui accompagnaient les trois de la filature; on ne parle jamais de Larbanois. |
Quant à Robert Vahrenkampf, il resta avec Muller, Pauline Splingaert et leur petite fille. Les accompagnaient également Henri Zéphir Scaillet et sa femme Denise Dugardin, la fille d'un relieur d'Ixelles, Louis Dugardin, qui fut le premier à interroger le Ministre concernant ses chers enfants dont il n'avait pas de nouvelles. Ce groupe resta quelques temps dans une mission protestante situé à Tia-Tao Chow; cette localité se trouvait à 3 jours de voyage vers le sud de Lanzhou, soit environ 150 km. |
Les diplomates confirment ce qui avait été dit par le Dr Sun Yat Sen comme quoi leur révolution n'avait rien à voir avec les étrangers. Cela ne les mettait pas en sécurité pour autant. Mais dès que Yan Shi Kaï fut au pouvoir et contacté par notre corps diplomatique, il déclara qu'il donnait l'ordre à ses fonctionnaires d'assurer la sécurité des étrangers. Enfin, si nos voyageurs avaient moins de craintes à partir de février, le mal était fait et par ailleurs, il est probable qu'ils ignoraient tout des dispositions de la nouvelle Chine. Gérard, Cadiat et Nique, les trois de la filature, étaient à Hankou où il n'avaient plus qu'à prendre le chemin de fer jusque Pékin avant de prendre le bateau à Tientsin et se trouvaient à Hong-Kong le 21 mars 1912, d'où Vahrenkampf écrivit aux Scaillet à Tientsin alors que lui étaient encore à Lincheng.
Le 15 avril, le Ministre à Pékin confirme que Vahrenkampf, M et Mme Scaillet et quelques Anglais sont en sécurité à Honan Fou au 16 mars. Mais on ne parle plus des Muller qui, nous le savons par d'autres voies, prirent le transibérien quelques semaines plus tard. A remarquer que Honan Fou se trouve à moitié chemin entre Hankou et Pékin.
Il est à noter que les archives diplomatiques en question ne mentionnent à aucun moment le personnage d'Alphonse Splingaerd. Nous n'apprenons rien à son sujet via ces documents. C'est en partie normal car il se trouvait immobilisé à Tientsin au moment des évènements. On ne sait rien de son comportement sauf qu'il était de nouveau à Tientsin en juin 1912, ce qui est confirmé par de Ménard, le missionnaire apostolique qui le précise dans sa correspondance avec Scaillet. Il rappelle à ce dernier que sa mission l'a accueilli lors de son voyage de retour. Malheureusement nous ne voyons pas la localisation de cette mission sauf peut-être dans les environs de Xi'an qui était un point chaud de la révolution. Si Alphonse était à Tientsin en juin, cela laisse supposer qu'il était déjà retourné à Lanzhou où il est déjà appellé ex-directeur. Son rôle devient nébuleux car l'essentiel s'est passé en son absence, y compris le licenciement des deux ouvriers métallurgiques espagnols et leur ingénieur qui avait remplacé De Deken, qui ont été partiellement rémunéré de leurs indemnités de rupture par les Chinois alors que c'était son job comme fondé de pouvoir. Les espagnols tenterons d'en récupérer une partie dans les années qui suivirent. Ce sont les RP Léon Van Dijck et Robert Geerts qui servirent d'intermédiaire en se rendant à Yao Kaï qui n'est pas tout près. Cette péripétie du retour dramatique des deux ouvriers espagnols vous sera contée en lisant la thèse du Dr Raul Ramirez dont une traduction élémentaire française fera l'objet d'un article séparé (l'original étant rédigé en chinois et espagnol). Cette histoire espagnole n'ayant pas grand-chose à voir avec les familles Splingaerd-Muller-Vahrenkampf. Pour rappel, Jean-Jacques Muller a épousé Pauline Splingaerd et Robert Vahrenkampf a épousé Thérèse Splingaerd, toutes deux filles de Paul Splingaerd.
Yuan Shikai
Répertoire de la correspondance du Ministère
Documents Claire Veys
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last update: 1-jui-18