LE MEMORIAM DE MONSEIGNEUR OTTO SUR PAUL SPLINGAERD (1937)
Mgr Otto était né à Bruxelles en 1850. Il resta 62 ans en Chine et fut vicaire apostolique du Gansu depuis 1890 jusque 1921.
D’après J. Spae, pages 189 & 190
« Quelques mois avant sa mort le 26 février 1938, l'évêque Otto a écrit un très intéressant memoriam sur Splingaerd. Ceci fut fait à la demande d’information émanent de son admirateur et biographe, Mgr. Carlo Van Melckeke (1898-1980). La lettre d’Otto n’est pas datée, et on y trouve quelques inexactitudes surtout en ce qui concerne la chronologie des faits. Pourtant, c’est ici [en partie] rectifié [par J. Spae]. Nous traduisons le texte complet », dit-il.
Le texte était à l’origine en français. Nous ne pouvons prétendre que cette traduction reproduise la version originale. Le texte français qui suit est donc une retraduction du néerlandais vers le français, avec la déformation que l’on conçoit. Il est à noter que Monseigneur Otto, se remémorant ce qu’il connaissait de Splingaerd, verse volontiers dans l’anecdote et fait passer le personnage au stade de héros de légende. Si une personne pouvait proposer une meilleure traduction ou une traduction en anglais, je l’éditerais volontiers. |
« Vous me posez la question si je puis écrire quelque chose au sujet de Paul Splingaerd. Je peux vous satisfaire difficilement avec ma pauvre mémoire. J'ai bien connu Paul pendant mes six mois à Soieiuen, et pendant mon séjour à Sutcheou dans le Gansu où pour les quatre ans de mission j’étais allé prêcher. Il s’est montré bon chrétien, a participé à tous les offices comme un catholique ordinaire, et nous sommes convaincu que lui, et surtout sa femme, ont comptés dans la petite communauté chrétienne de Souchow composée de 70 personnes. Sa maison était comme une sorte de maison d’accueil et sa femme, qui vivait à la manière chinoise, a eu souvent vingt enfants à sa table. Paul avait sa propre cuisine, et a toujours mangé selon son habitude. Il s’entendait extrêmement bien avec sa Catherine, et tout le monde était de bonne humeur. »
« On a prié ensemble. Les filles aînées ont suivit des leçons de chinois, et elles le connaissaient tellement bien que, si une lettre officielle arrivait, elles pouvaient facilement la lire comme nos lettres. Elles sont parties vers le couvent à Shanghai. L’aîné des fils de Paul reçu pendant plusieurs années une éducation obtenue à Liangchow et a donné toute satisfaction. Il réside maintenant à Pékin. Je n'ai jamais rencontré un européen de chez nous qui eut le caractère aussi ouvert et courageux et judicieux et le mieux appareillé avec la mentalité chinoise que Splingaerd. »
« Il parle parfaitement chinois, aussi bien avec les personnages les plus élevés qu'avec le plus simple ouvrier. À Souchow, où je suis allé visiter la prison avec lui, aucun prisonnier n'a pas dû un jour demander à Paul de répéter ce que il a voulu dire ou quelque chose. Tout le monde l'a connu ; tout le monde le saluait dans la rue. Lorsque je fus à Souchow, j’ai pu baptiser un certain mandarin grâce à Paul. Paul a instruit cet homme et l’a reçu chez lui à la maison. Il a connu 100 et plus de manières pour traiter les affaires chinoises. Grâce à cette aptitude il est resté 14 ans au mieux à Suchow et a pu de ce fait se tirer d’affaire avec les soviétiques qui, de Ili (Turkestan), venaient et causaient des difficultés chez les mandarins. »
« Paul parlait flamand comme on le parle en Brabant; il parlait anglais, français, allemand, mongol. Ainsi il a pu contacter la plupart des étrangers. J'ai vu tout cela -même et l’ai entendu. Le baron von Richthofen avoue qu'une grande partie du succès de son voyage en Chine est du à Splingaerd et le remercie. Il a été considéré comme un domestique, mais sa fidélité a représenté une véritable fortune. »
« Un soviétique voulu le tuer lorsqu’il travaillait à l’époque pour la légation allemande à Pékin. Mais cela fut durement payé et Splingaerd a été acquitté avec l'approbation de tout le monde. »
« De Souchow, deux chinois étaient sur le point de se noyer sur un îlot alors que les pluies avaient fait enfler l’eau de la rivière. Paul est allé deux fois les retirer à cheval en présence d'une grande foule. »
« Combien de Chinois n'a pas sauvé Paul du juge ! Combien ne lui doivent-ils pas le remercier de leur guérison ! Car sans avoir jamais étudié la médecine, il a réussi par son talent et la main ferme des opérations pour lesquelles un chirurgien se serait trouvé embarrassé. »
« Splingaerd était génial par nature; il a été le Marco Polo belge. Il a sauvé la vie de la mission belge Fivé, Ledent et Lambert lorsqu’il les pilota dans le Turkestan, et pendant la guerre des Boxers, les passa par la Mongolie et Kiatka jusqu'à Ourga. »
« Il est dommage que notre roi ne l’ai pas reçu. Il aurait appris de Paul (qui a sillonné pendant quatre ans la Chine avec Richthofen) au sujet de ce pays, davantage de renseignements que quelque consul ou ministre en Chine. En ce temps, il était dangereux de se promener en habits européens, comme Von Richthofen le voulait. Splingaerd m’a dit qu'il tremblait de frayeur au moment où il approchait des murs d'une ville chinoise concernant l’attitude de la population face aux européens. »
« Toute sa vie, Paul est resté plein d'attachement aux missionnaires. Il nous a aidés lors de l'achat d'une propriété dans la Ville Bleue. Il est allé visiter l’établissement et, malgré l'opposition, il l’a remporté. Trois Mantchous qui visaient sur lui n'oublieront jamais comment il les a reçus. Pareillement des missionnaires qui allaient céder à trois turcs, virent Paul intervenir, petit de taille mais avec une force heureusement herculéenne, sans jamais reculer. »
« Paul a eu plus de 20 enfants : la moitié est morte dans leur enfance. Les autres ont quitté le Kansu pour ailleurs pour parfaire leur éducation. Sa sage et vraiment bonne Catherine est morte à Pékin. Paul a été enterré avec elle au cimetière de Chala. Paul lui-même est mort dans le Province de Chensi sur le chemin du retour vers le Kansou. »
« Je ne vous raconterai pas toutes les anecdotes dont la vie de Paul fut émaillée. Sa vie en a été pleine. Il conservait une résistance extraordinaire contre la fatigue. Il est venu une fois de Souchow vers Liangchow (900 li's) en 4 jours et un matin. Il a voyagé une fois de Souchow aller et retour vers Hami neuf jours par cheval de courrier chinois à raison de 200 li's par jour ». (A.S., I, II, f, Otto lettres).
Nota :
2 li’s égalent 1 km.
Chensi= Shanxi
Kansou=Gansou
Un des derniers paragraphes de la lettre ferait croire que Catherine est décédée avant Paul. Paul est mort en 1906, Catherine en 1918.
Page 61 du livre de Spae : « La famille Splingaerd garde pourtant aussi une photo de sa pierre tombale à côté de celle de son homme au cimetière de Chala. On suppose que sa dépouille a été translatée là mais la date ne nous est pas connue ». (Voir la photographie de la tombe dans la section 'Documents et objets).
Page 61 of the book of Spae: "the Splingaerd family however keeps also a photograph of her tomb stone beside that of her man to the cemetery of Chala. It is supposed that its skin was relocated there but the date is not known for us ". The picture of the tomb is now in the section 'Documents and objets'.Monsignor Otto’s tribute to Paul Splingaerd
The following tribute to Paul Splingaerd was written by Msgr. Hubert Otto, Apostolic Vicar of Gansu Province from 1890 to 1921. He spent 62 years in China. It was written at the request of his biographer, Carlo Van Melckebeke. Jozef Spae indicates in his book, Mandarijn Paul Splingaerd, that Otto wrote this undated document shortly before his 1938 death. It is quite informative, and I appreciate the factd that it was written by someone who knew him and was aware of some of Paul’s activities in Jiuquan (Souchow in his tribute) as he was stationed in the same province as Paul
You asked me to write something about Paul Splingaert. I cannot easily satisfy you with my poor memory. I knew Paul very well during six months in Soieiun [suiyuan?], and during my stay at Suzhou in Kansu where I preached to the mission every four years. He was an outspoken Christian, participated in all instruction like a regular Catholic, and we credit him and especially his wife, with the formation of the small Christian community of 70 souls in that city. His house was a kind of Holy Childhood, and his wife, who lived in the Chinese manner, often had 20 children at her table. Paul had his own kitchen, and often ate by himself. He and his Catherine got along extremely well, and everyone was in good humor.
They prayed together. The eldest daughters received lessons in Chinese. They knew it so well that when there was an official letter, they could read it even better than we could. They entered the cloister in Shanghai. Paul's eldest son studied for years at Liangchow and satisfied all requirements. He still lives in Peking. I have never met a European before who could pair the open, courageous and clever characteristics of westerners with the Chinese mentality as well as Splingaerd.
He spoke perfect Chinese, and could communicate equally well with persons of high standing as with the commonest laborer. In Souzhou where I visited the prison with him, no prisoner had to repeat what he was saying, or ask Paul to repeat himself. Everyone knew him; everyone greeted him in the street. When I was in Souchow I was able to baptize a certain Mandarin called Ma thanks to Paul. Paul had educated this man and received him at his home. He knew more than a hundred ways of conducting business in Chinese. Because he was so proficient at his job, he remained in Souchow for 14 years. [The norm was 3-5 years. He could ably handle the Russians who came from Ili and caused a lot of difficulties for the mandarins.
Paul spoke Flemish as if he had just left Brabant; He also spoke English, French, German, Mongolian. He got along with most foreigners. All of this I have seen or heard for myself. Baron von Richthofen admits that a great deal of his success in his trips through China is thanks to Splingaerd. He was considered a servant, but his loyalty made him a fortune. A Russian tried to kill him when he was working for the German legation in Peking. But this cost him dearly and Splingaerd was declared not guilty to the cheers of everyone. In Souzhou two Chinese were about to drown on an island during a heavy rainfall which made the river swell. Paul went across twice to fetch them on horseback in the presence of a huge crowd that had gathered. How many Chinese had Paul saved from the executioner! How many have him to thank for their healing! Because even though he did not study medicine, with his talent and steady hand he was able to succeed in surgeries that trained surgeons would not have attempted.
Splingaerd was endowed by nature with the mind of a genius; he was a Belgian Marco Polo. He saved the lives of the Belgian mission of Fivé, Ledent and Lambert during the Boxer Rebellion by steering them out of Turkestan through Mongolia and Kiatka into the safety of Urga.
It is a shame that our king did not receive him [when he returned to Brussels in 1906]. He would have learned more from Paul (who crossed into every region of China for 4 years with Richthofen) about this country than from any consul or minister in China. At that time it was very dangerous to wander about in European garb, as von Richthofen wanted. Splingaerd said he was shaking with fear when they approached the walls of a Chinese city because of the animosity of the people towards Europeans.
All his life Paul remained devoted to the missionaries. He helped us to purchase property in the Blue City. He settled there, too, and managed to do so in spite of opposition. Three Manchus who had it in for him will no doubt never forget the reception they got from him. Just as the crusaders, who swore not to get out of the way of three Turks, Paul, small in stature but blessed with herculean strength, never backed off.
Paul had more than 20 [12, actually] children; half of them [I am only aware of the infant Marie, and Suzanne] died in childhood. The others left Kansu to be educated elsewhere. His wise and truly good wife Catherine died in Peking. Paul is buried next to her at Chala Cemetery [Angela's album has photos of the graves]. Paul died in Chensi province [Xian city] on his way back [from Belgium] to Kansu.
I should perhaps not tell you all the anecdotes and every conversation that Paul livened up...but which cannot be written down. His life was full of them. He possessed an uncanny resistance to fatigue. He once traveled from Souzhou to Liangchow (900 li's) in four days and one morning. He once took a trip from Souzhou and back to Hami in nine days by Chinese mail horse at 200 li's a day!"
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Christian Goens, La Louvière, Belgique - juin 2007 - modified by Anne Splingaerd de Megowan march 2015