Portrait
en pied paru dans "Le National Illustré" du 14
octobre 1906, intitulé Madarin Lin-Dze-Mei. Il s'agit d'une
expression que nous ne connaissions pas. Ce portrait a ceci de
remarquable qu'il est inversé par rapport à ceux que
nous connaissions, y compris la peinture à l'huile qui se
trouve en Arizona en collection privée. Cette attitude suggère
que c'est sa main droite qui se pose sur la poitrine. On distingue
assez bien le détail principal de la broderie avec l'envol de
la grue qui est issant de dextre (l'envol part de la gauche). Comme
il s'agit de la représentation normale de l'envol de la grue,
il faut considérer le sens de cette photo comme étant
le plus naturel.
Broderie
sur le kimono authentique de Catherine
J'écris des pages web, Anne Splingaerd-Megowan écrit des livres. Je suis son alter ego. Nous sommes complémentaires dans la mesure où elle raconte l'histoire de son aïeul Paul Splingaerd et moi je reconstitue sa descendance. Anne a accumulé patiemment durant de longues années la documentation la plus diverse, qu'elle a exploité pour écrire, mais elle n'a pas eu l'occasion de présenter au public tous les documents recueillis, faute de place. Ce problème ne se pose pas en matière de publication sur Internet. Présenter les articles de presse parus à l'époque est l'objet de cette page. Nous essayons en outre de les situer dans le contexte du début du vingtième siècle qui s'éloigne de plus en plus. Les articles présentés se sont pas les seuls qui soient parus mais se sont les seuls qui nous soient parvenus. On peut penser qu'il y a eu des articles dans la presse flamande, à la même époque. Il y avait probablement un article qui accompagnait la photo du mandarin Lin-Dze-Mei parue dans "Le National Illustré" du 14 octobre 1906, n°41, pp.321 et 327, etc. Les articles présentés ont l'intérêt de présenter les évènements avec la mentalité d'une époque. A l'analyse, on y repère des faiblesses et des inexactitudes. Si bien que nous avons conçu d'assortir la présentation de ces articles par des commentaires ou des surplus d'information. Le lecteur est donc invité à lire les notes de bas de document pendant sa lecture. |
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LE SOIR mardi 13 décembre 1898 – Edition B (voir l'image de l'article -> )
Rubrique PETITE GAZETTE
UN MADARIN BELGE a été déniché récemment en pleine Chine – lequel, sous l’avatar de Ling Dorine (3), cache tout simplement un bon ketje (1) de Bruxelles, du nom de Paul Splingart, natif de Scheut-Anderlecht. (2)
Il quitta la Belgique, il y a une trentaine d’années, avec un des premiers départs des missionnaires qui forment actuellement la Congrégation de Scheut. Grâce à la facilité toute spéciale qu’il eut pour apprendre le chinois, Paul Splingart devint en peu de temps un grand lettré (7), et il fit sa carrière dans l’administration du céleste empire comme un Fils du Ciel authentique.
L’éloquence chinoise de Splingart sauva un jour la vie à trois marchands russes qu’un mandarin de la frontière avait condamnés à la décollation. Peu d’Européens ont approché d’aussi près que lui la mystérieuse cour impériale de Pékin, où se déroulent aujourd’hui les péripéties d’un drame dynastique dont les conséquences peuvent être grandes (4).
Est-il nécessaire d’ajouter qu’en bon Belge Paul Splingart est resté l’ami des missionnaires avec lesquels il a débarqué en Chine ? Ceux-ci, en plus d’une occasion, ont pu ressentir les effets bienfaisants de l’influence qu’il mettait à leur disposition.
Paul Splingart a épousé une Chinoise chrétienne qui lui a donné une dizaines d’enfants dont les aînés étaient, il y a quelques années, élèves du séminaire catholique chinois ; peut-être même aujourd’hui a-t-il la consolation d’avoir un prêtre catholique dans sa descendance (5).
A différentes reprises on a proposé, mais en vain, au mandarin Ling Dorine de revenir au pays natal (6).
Il préfère maintenant la vie calme aux voyages aventureux qui l’attiraient dans sa jeunesse (8).
Sans commentaire autorisé, cet article reste particulièrement anecdotique et figure d’ailleurs, d’une façon très anodine, parmi les faits divers et autres ‘chien écrasés’ de ce journal.
Nous ignorons s’il s’agit de la première apparition en presse belge de Paul Splingart ; nous ignorons également quelle est la circonstance ou l’évènement qui occasionna l’écriture de cette rubrique.
Quoi qu’il est soit, aujourd’hui que nous connaissons mieux la réalité de la vie de Paul Splingart/Splingaerd, nous nous permettons de relever un certain nombre d’affirmations concernant cette petite biographie.
(1) Ketje signifie ‘bon petit garçon de Bruxelles’
(2) Paul Splingaerd n’est pas natif d’Anderlecht, qui est une commune voisine. Il est né à Bruxelles centre.
(3) Ling Dorine est le nom chinois attribué à Paul Splingaerd dans cet article. En réalité, il fut donné à Paul bien d’autres noms. Mais son nom de passeport est Lin Fuchen. Selon la coutume chinoise, la citation d’un personnage se décline dans le sens Nom suivit du Prénom. Il semble que Ling soit issu de la prononciation mongole de Lin. Les cyclistes américains le nomment Ling Darin (林 大 人 - lin da ren) et lui avait une plaque d’identification de bagage portant mention de Lin Taren (林 太人 - lin ta ren). Grosso modo, ces suffixes correspondent au prédicat 'Son Excellence' ou 'Votre Excellence' auquel un mandarin de haut niveau avait droit.
(4) Après la guerre des Boxers qui va endetter la Chine et laisser s’immiscer les étrangers, suivit des décès de l’impératrice douairière Cixi et de l’empereur Guangxu en 1908, le glas sonne effectivement pour l’empire Qing (1911). |
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(5) Paul et Catherine n’ont pas eu de fils prêtre mais 4 filles religieuses. Pour l’anecdote, signalons qu’Alphonse le fils aîné aurait souhaité entrer dans les ordres ; ce désir fut contrarié par Paul qui voulait garder son aîné pour assurer sa succession. Et Alphonse a eu 3 filles, un garçon et un autre garçon reconnu lors de son second mariage.
(6) Il n’est pas du tout certain qu’on n’ait jamais proposé à Splingaerd de revenir au pays natal. Qu’y serait-il venu faire ? En qualité de haut fonctionnaire de l’empire Qing, sa place était en Chine.
(7) L’article qualifie Splingaerd de ‘grand lettré’. Nous ne pensons pas que ce soit le cas car il n’est pas prouvé qu’il sache lire et écrire le chinois. Sa culture était sans doute essentiellement orale.
(8) Il est sans doute vrai que sa stabilisation à Lanzhou ressemble un peu à un repos après tant et tant de voyages. Encore qu’il faille retenir que pour descendre sur Shanghai où étaient ses filles ou Pékin et Tientsin où étaient ses garçons, il y avait d’énormes trajets à parcourir. Les voies de communications vers la capitale du Gansu étaient son point faible sur le plan économique.
ARTICLE 2
Comme nous allons le voir, l’annonce de la disparition tragique corps et bien de la mission Fivé guidée par Paul Splingaerd avait été annoncée en Belgique alors que celle-ci opérait au centre de la Chine lors de l’insurrection des Boxers qui visait particulièrement les ressortissants étrangers, sans doute à l’instigation de l’impératrice douairière Cixi.
Il est remarquable de constater qu’à l’époque de cet article, le monde semblait persuadé du massacre de cette mission. En outre, l’article n’envisage pas de parler des malheureux partenaires de cette mission, officiers compris, mais uniquement de leur guide, c'est-à-dire Paul Splingaerd lui-même.
NB : le major puis colonel Gaspart Fivé était un officier colonial muni de beaucoup d’expérience et sans doute de grande valeur (sinon le Roi Léopold II ne l’aurait pas utilisé). De retours en Belgique, cet officier, à qui Splingaerd avait sauvé la vie, fut nuisible à la fin de carrière du mandarin et contribua ainsi à précipiter sa mort.
LE SOIR, mardi 25 septembre 1900 – Edition B (voir l'image de l'article -> )
Sans titre, probablement également les rubriques de la PETITE GAZETTE
LE MANDARIN SPLINGAERD
Le colonel Fivé, disions-nous récemment en parlant de la triste dépêche annonçant le massacre de sa mission, était accompagné du mandarin Splingaerd, Belge de naissance.
Splingaerd est ainsi présenté par M. Obroutchoff, explorateur russe (1), qui a parcouru dans tous les sens l’empire chinois (2)
« C’est une personnalité très ancienne et une physionomie vraiment attachante que nul, parmi ceux qui ont exploré la Chine, n’ignore ; tous, en effet, ont trouvé sous son toit l’hospitalité la plus généreuse et des conseils toujours utiles. Aucune caravane passant par Sou-Tcheou (3) qui ne se soit arrêtée devant sa demeure et n’ait bénéficié de la protection et des sages avis de cet européen qui connaît à fond le pays et les mœurs de ses habitants.
Belge d’origine, ouvrier maçon de profession, M. Splingaerd quitta sa patrie vers 1865 pour se mettre au service, en qualité de frère servant, des premiers missionnaires belges partant pour la Chine. Sur la recommandation de ses supérieurs, il trouva plus tard un emploi à la légation prussienne de Pékin, où il s’appliqua à l’étude de la langue chinoise ; son esprit très ouvert et sa vive intelligence lui facilitèrent cette tâche ardue (4). Lorsque le célèbre explorateur baron de Richthofen (5) arriva à Pékin, il remarqua et vit en lui l’homme qu’il lui fallait pour l’accompagner dans ses dangereuses pérégrinations. Splingaerd s’attacha dès lors à la personne de l’explorateur ; mais, sur ces entrefaites, il avait réussit à se faire nommer agent général d’une grande maison d’exportation européenne dont il échangeait les produits contre de la laine et du cuir dans les provinces du Nord de la Chine (6). Sa grande honnêteté, ses qualités d’intelligence et d’intégrité le mirent bientôt en vue ; les plus grands négociants et les dignitaires les plus élevés dans la hiérarchie chinoise se disputèrent son amitié.
Il y a vingt ans, Lu-Hung-Chang, alors vice-roi du Petchili (7), se le fit présenter et le nomma chef de la douane à Sou-Tcheou. Ce poste est très important ; c’est là, en effet, que doit se faire le dédouanement de toutes les marchandises venant de Russie à destination de la Chine (8). En même temps, Li-Hung-Chang lui fit conférer la dignité de juge de paix (9), dont il a exercé les fonctions pendant de longues années.
Pour en revenir à l’homme qui nous occupe, il me faut dire encore qu’il n’y a pas, en Chine, un seul Européen qui puisse se targuer de connaître aussi bien que Splingaerd les dessous de la vie et de la politique chinoise. Certes, les missionnaires rendant d’inappréciables services aux voyageurs et aux explorateurs, mais quelle que soit la valeur de leurs enseignements, ceux-ci sont forcément limités et ne trouvent leur application que dans les régions restreintes où s’exerce l’apostolat des missionnaires, Splingaerd, lui, tout au contraire, connaît à fond l’Empire du Milieu tout entier, et rien, de l’une à l’autre frontière, n’a échappé à son esprit d’observation ».
On conçoit combien la présence d’un tel homme aux côtés de Fivé, avait inspiré d’espoir dans la réussite de sa mission !
(1) Vladimir Afanasévitch Obroutchev (1863-1956) (Владимир Афанасьевич Обручев). Professionnellement, Obroutchev est un scientifique soviétique, géologue de réputation internationale. Après avoir écrit de nombreux ouvrages scientifiques, consacrés en particulier à la Mongolie et à la géologie, il s'est fait sur le tard auteur de plusieurs récits d'aventures fantastiques |
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(2) Les remarques du géologue sur Splingaerd sont plutôt élogieuses, tout comme l’ont été les descriptions des missionnaires, de Monseigneur Hubert Otto, des cyclistes américains Thomas Gaskell Allen, jr. and William Lewis Sachtleben, du baron von Richthofen et de tout autres voyageurs qui l’on connu ou qui en ont entendu parler comme le commandant Wittamer. |
(3) Sou-Tcheou est une façon francophone
d’écrire Suzhou – aujourd’hui Jiuquan
qui est le grand centre spatial de la République Populaire de
Chine aujourd’hui.
A l’heure où nous écrivons,
nous savons qu’il est prévu que la ville va élever
un monument représentant Lin Fuchen au titre d’un des
bienfaiteurs historiques.
(4) En réalité, Splingaerd s’était attelé depuis le début à l’étude du chinois alors même qu’il était sur le bateau qui l’avait emmené en Chine.
(5) Le Baron Paul Wilhelm Ferdinand Von Richthofen, (05/05/1833 - 06/10/1905) était le plus célèbre géologue de son temps. Il a effectué 7 voyages au travers de la Chine pendant 43 mois avec Paul Splingaerd, lui inculquant des notions élémentaires de géologie. |
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(6) Il s’agit du la firme Splingaerd-Graesel, avec un siège à Kalgan (adossée à la Grande Muraille) puis à Guihuacheng, la Ville Bleue, aujourd’hui Huhehote, en Mongolie Intérieure.
(7) Dans la même optique, la confiance que Li-Hung-Chang avait pour Lin est un gage majeur de ses capacités alors que le vice-roi fut réputé comme étant un des plus grands hommes politiques de son temps et il savait juger les hommes. L’épisode avec le comte d’Ursel rapporté ailleurs (voir le livre d’Anne Splingaerd, page 125 et le livre d’André Lederer pages 16-17) en est la preuve. Li-Hung-Chang était un homme puissant comme tous les vice-rois de cette fin de l’empire Qing. |
Concernant le livre de Anne Splingaerd-Megowan, cliquer ici pour de plus amples renseignements |
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(8) L’établissement d’un poste de douane sur la Route de la Soie dans le Nord du Gansu, à Suzhou, découle des accords de St-Petersburg du 12 février 1881, entre la Chine et la Russie.
(9) Un Juge de Paix, dans le vocabulaire francophone de Belgique est un juge local qui traite les différents qui existent entre les citoyens. Il ne traite pas des affaires criminelles. Il semble cependant, d’après les écrits d’Obroutchev, que les pouvoirs de Splingaerd étaient plus étendus (voir la description de la visite à la prison dans le livre de Anne Megowan, pages 98-99). |
Sur la photo de droite, on observe Lin Fuchen et sa femme Catherine dans une position et une attitude dominante. En face d'eux, une table. Cette scène fait penser à un siège de tribunal populaire. Derrière, des structures en bois d'où pendent des cordes font songer à un gibet. |
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ARTICLE 3
LE SOIR, 20 JANVIER 1906 Edition AB (voir l'image de l'article -> )
Un mandarin belge.
Un ketje de Bruxelles en Brabant, Splingaerd, partit vers 1865 en qualité d’administrateur de la première caravane de missionnaires qui allaient en Chine (7). Les missionnaires passèrent. Splingaerd resta. Il se fit une situation, se laissa pousser une mèche de cheveux qui devint une tresse, épousa une Chinoise, en eut vingt-deux enfants (2), bref se « chinoisa » si bien qu’il devint mandarin ( 8) et, tout en restant Belge, est aujourd’hui général de brigade.
Le général Splingaerd est en Belgique depuis hier. Il est chargé d’une importante mission par le gouvernement chinois.
Splingaerd, malgré ses quarante ans passés au Céleste-Empire, est resté un joyeux Brusseleer, et c’est en ce pittoresque flamand du terroir qu’il a accueilli les confrères anversois qui s’étaient rendus à sa rencontre, à bord du steamer qui l’a ramené en Belgique. Et le zwanzeur (6) n’a pas disparu en lui.
A un confrère qui lui demandait s’il comptait garder son chatoyant uniforme chinois pendant son séjour en Belgique, le général a répondu :
- Pendant quelques temps, du moins : je veux entendre ce que mes compatriotes racontent des chinois qui passent (3).
Lecteurs du Soir, si ces jours-ci vous rencontrer un Chinois de taille moyenne, à la barbiche roussâtre, à l’œil malicieux, méfiez-vous : c’est le général Splingaerd, un vrai ketje, qui est capable, si vous disiez du mal des Chinois, de vous coller en marollien.
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Nous disons que le général Splingaerd a eu vingt-deux enfants. De ce nombre, onze sont encore en vie. L’aîné, Alphonse, est premier secrétaire-interprète à la légation belge ; le deuxième, René (4), est inspecteur de la Chinese Engineering and Mining Company ; le troisième fils accompagne son père en Europe ; c’est John, âgé de 16 ans, qui vient faire ses études en Belgique (5). Les autres enfants sont des filles ; quatre ont pris le voile et sont entrées au couvent des sœurs de Saint-Joseph, à Shang-Haï ; les quatre plus jeunes sont encore en pension à Shang-Haï et iront bientôt à Péking pour donner l’instruction aux filles des grands mandarins (9).
Mme Splingaerd devait venir en Belgique avec son mari ; mais la mer étant mauvaise et son estomac n’étant pas marin, elle est restée à Shang-Haï auprès de ses enfants.
(1) Les Marolles étaient un
quartier populeux de Bruxelles qui était connu pour la
mentalité particulière de ses habitants, tous
bonimenteurs et amusants de par leur parlé issu à la
fois du français et du flamant.
Et c’est vrai que
Paul Splingart est né à Bruxelles, mais il n’a
jamais été un ketje des Marolles vu qu’il a été
élevé dans la région de Wavre. Cette erreur est
reproduite plusieurs fois dans le journal Le Soir. A croire que Paul
Splingaerd, avec son accent du terroir et sa gouaille, y ressemblait
beaucoup. Quant à sa situation à Anderlecht, au
Scheutveld, il n’y est resté que quelque temps et les
gens qu’il y fréquentait, particulièrement les
prêtres, étaient des personnages lettrés issus
souvent d’autres villes ou villages éloignés de
Bruxelles.
(2) Pauvre Catherine ! Mais je ne pense pas qu’elle a donné naissance à vingt-deux enfants. Mais il est sans doute vrai qu’à l’époque de Suzhou, il y avait beaucoup d’enfants dans la maison du mandarin ; il ne faut pas en déduire que tous ces enfants étaient les siens.
(3) Il n’est pas impossible que le public belge n’ait pas réellement estimé la mission réelle de Paul Splingaerd durant son séjour en Belgique. Il est venu en qualité d’officiel chinois. Dès lors, il s’habillait en général ou se promenait en habit de mandarin. On a le sentiment que cette visite officielle d’un fonctionnaire chinois de haut niveau n’était pas bien préparée et qu’il n’avait pas suffisamment de support diplomatique. Une des meilleures preuves sans doute est que le roi Léopold II n’a pas accepté de le recevoir. Cela ne se serait pas produit du temps du vice-roi Li. Malheureusement, ce dernier était mort depuis quelques années. Il n’est cependant pas exclu que le comportement de Splingaerd, peut-être trop familier, n’incitait pas au respect que l’on doit au représentant d’un pays étranger. Le public l’a plutôt considéré comme un Belge ‘qui avait réussi’ que comme un délégué chinois. Il faut encore souligner que Paul était seul avec son fils et n’était pas accompagné par une délégation. Le caractère privé de sa venue en Belgique a sans doute été plus visible que son mandat. Les industriels belges non plus ne s’y sont pas trompés et si Paul trouva quelques ingénieurs pour revenir avec lui en Chine, il ne revint pas avec des financiers ou des industriels capables de négocier des investissements importants comme celui de la fabrication d’un pont métallique sur le fleuve Jaune.
(4) L’inspecteur de la Chinese Engineering and Mining Company n’était pas un René; il s’agit de Remy François Xavier Splingaerd, auteur de la plus volumineuse des descendances de Lin Fuchen.
(5) John Splingaerd fut baptisé Jean-Baptiste. Il fit (une partie) de ses études à l’Institut Saint Boniface de Bruxelles mais nous ignorons pendant combien de temps. Marié à deux reprises, John fit une brillante carrière à Tientsin mais ne retint pas d’enfants.
(6) Zwanzeur et Brusseleer ont dans le contexte de l’article une connotation qui nous semble péjorative. Mais cela confirme ce qui est dit précédemment, à savoir que l’on retient plus l’aspect extérieur de Paul Splingaerd que la réalité intrinsèque de sa mission.
(7) Administrateur de la caravane est un mot inadapté. Splingaerd réglait certainement beaucoup d’affaires courantes lors du voyage, mais il n’était que ‘l’homme à tout faire’.
(8) Ce n’est évidemment pas parce que l’on vit à la mode chinoise que l’on devient mandarin, qui veut dire fonctionnaire.
(9) L’étude de la succession de Paul Splingaerd offre un recensement actuellement estimé à 270 individus.
ARTICLE 4
LE SOIR – Edition B du 29 septembre 1906 (voir l'image de l'article -> )
L’ex-ketje Splingaerd que nous rencontrâmes ici l’hiver dernier et qui avait gardé, si frappant, son accent marollien, vient de mourir subitement.
M. de Favereau, ministre des affaires étrangères, a reçu hier de M. de Prelle de la Nieppe, notre chargé d’affaires à Pékin, un télégramme ainsi conçu : « Splingaerd père décédé Singan. ».
On l’appelait le général Splingaerd ou le mandarin Splingaerd indifféremment, le gouvernement impérial lui ayant décerné ce double titre en reconnaissance des services qu’il avait rendu là-bas. Il avait épousé une Chinoise, qui l’avait rendu père de vingt-deux enfants.
Splingaerd, qui jouissait de toute la confiance du vice-roi du Kan-Sou, avait été envoyé spécialement en Belgique l’an dernier, et il nous avait quitté au début de cette année en compagnie d’ingénieurs belges recrutés pour différentes entreprises industrielles.
La mort de Splingaerd, dont l’influence nous avait été précieuse en maintes circonstances, sera vivement regrettée.
L’aîné de ses fils est actuellement attaché en qualité de drogman à notre délégation de Pékin. Un autre, qui avait accompagné son père à Bruxelles, nous est resté : il fait ses études à l’Institut Saint-Boniface.
Commentaires de la rédaction sur l’article 4
Cette annonce tragique est un article qui paraît plus sérieux et mieux informé ; il semble rendre justice au mandarin défunt, même si les notions de ‘ketje’ et de ‘marollien’ reviennent encore de manière abusive. Remarquons en outre que l'article date du 29 septembre alors que Paul est mort le 28 septembre. Pékin a donc été prévenu très rapidement du décès et a câblé immédiatement en Belgique. Il faut dire qu'Alphonse, qui avait rejoint son père à Xi'an, travaillait à la Légation.
ARTICLE 5
LE SOIR – Edition B sans date précise - fin avril 1910 (voir l'image de l'article -> )
LES BELGES DANS LE KANSOU FERME
On se souvient qu’en 1906 un Belge, devenu mandarin en Chine, M. Paul Splingaerd, vint revoir son pays.
M. A. De Deken, ingénieur belge établi dans le Kansou, adresse à ce sujet les intéressants détails que l’on va lire à la revue « Chine et Belgique » :
Au commencement de 1906, Paul Splingaerd vint en Belgique revoir son pays natal, qu’il avait quitté depuis quarante ans. Cette visite n’était pas le seul but de son voyage. Bien en cour auprès du vice-roi du Kansou (14), il avait fait valoir la Belgique, la puissance de son industrie, les capacités de ses techniciens bien mis en relief, en Chine même, par maints travaux déjà, et avait déterminé S. Exc. à adopter un vaste programme de mise en valeur des ressources du Kansou. Il fut convenu que l’on remettrait en marche une ancienne fabrique de draps, installée naguère par des Allemands à Lanchow (2) et qui n’avait donné que de piètres résultats aux mains peu expertes des Chinois ; que l’on construirait un pont sur le fleuve Jaune, pour remplacer l’antique pont de bateaux ; que l’on s’occuperait des mines, du traitement métallurgique des minéraux, de travaux d’égouts et de distribution d’eau à Lanchow ; que l’on examinerait la question de la navigation à vapeur sur le fleuve Jaune (7), etc., etc. Splingaerd avait reçu du vice-roi plains pouvoirs pour engager du personnel au nom du gouvernement du Kansou.
A peine arrivé en Belgique, il chercha discrètement quelques techniciens assez courageux pour entreprendre le voyage du Kansou, et l’accompagner dans cette province reculée de l’empire. Il choisit un ingénieur-chimiste, M. R. Geerts (6) ayant déjà fait un séjour en Chine, puis un ingénieur textile, M. J.-J. Muller (11), et enfin M. Thysbaert (17), un ancien conducteur des travaux du chemin de fer de Pékin à Hankow.
La caravane, conduite par P. Splingaerd, à laquelle se joignirent la sœur et le jeune neveu de M. Geerts, s’acheminait vers Lanchow fou pendant l’été de 1906, lorsque arrivée à Sian-fou (3), Paul Splingaerd, déjà souffrant, devint malade et mourut (12). Le succès de l’entreprise se trouvait compromis à la suite de ce fâcheux et très regrettable évènement lorsque le fils aîné du mandarin Splingaerd, M. Alphonse Splingaerd (10), alors élève-interprète à la légation de Belgique à Pékin, accourut à Sian fou ; sachant que, selon la coutume chinoise, la faveur dont jouissait le père se reporte spécialement sur son fils aîné, il s’offrit à accompagner les Belges à Lanchow fou et à les présenter au vice-roi et aux autorités.
L’accueil fut sympathique et les trois pionniers belges se mirent aussitôt à l’œuvre.
Pendant l’absence trop longue du mandarin Splingaerd, une maison allemande de Tientsin (13), très réputée en Chine, connaissant fort bien la façon de traiter avec les chinois, ayant des agents très au courant, toujours prêts à aller là où une affaire peut se présenter, avait dépêché un ingénieur à Lanchow ; celui-ci, avec l’aide d’un agent commercial, parvint à enlever l’affaire du pont de Lanchow qui paraissait réservée à Splingaerd.
Quelque temps après l’installation des Belges à Lanchow fou, M. A. Splingaerd retournait à Pékin et revenait, fin 1907, à Lanchow avec sa famille et deux Belges, anciens gardes de notre légation à Pékin, MM. H. Scaillet, mécanicien-monteur, qu’accompagnait sa femme, une Bruxelloise, et G. Coutelier, dessinateur et conducteur de travaux.
Peu après arrivait à Lanchow un autre Belge, l’auteur de ce récit (8), dont la mission consistait à prospecter, à développer les gisements miniers et à diriger les usines métallurgiques dont on venait de commander le matériel.
Enfin, en automne 1908, un groupe de cinq Belges, comprenant quatre contremaîtres drapier et un mécanicien, de Verviers – MM. Cadiat, Gérard, Labanois, Nique et Varenkamp (4) – (ve)nait à Lanchow pour remettre en marche l’ancienne fabrique de draps, modernisée par l’adjonction de machines nouvelles.
La petite colonie belge établie aux confins de la civilisation, comptait dès lors seize membres, y compris les missionnaires de la résidence de Lanchow.
Les travaux exécutés, au Kansou, par les colons industriels belges et les services qu’ils ont rendus sont nombreux déjà : la fabrication des draps et des couvertures, dans l’usine que l’on a dû réfectionner complètement ; la reconnaissance de nombreux gîtes de cuivre, d’or, de fer, celle de rivières aurifères, la mise en valeur de ces gisements ; le montage d’une usine de fusion des minerais de cuivre au water-jacket, complétée par le traitement des mattes par la bessemérisation ; le montage d’une usine pour le traitement mécanique et chimique des minerais aurifère mixtes ; le montage d’une savonnerie et d’une fabrique de chandelles. En outre, plusieurs projets divers sont à l’étude et d’autres n’attendent que la sanction du nouveau vice-roi.
D’autre part, M. Geerts (6), se consacrait à l’enseignement de la chimie, et donne des cours à l’Université de Lanchow.
N’oublions pas les travaux des missionnaires de Scheut, qui, non contents de se vouer au bien spirituel de leurs chrétiens dans leurs diverses résidences, ont à Si-Siang, près de Lanchow fou, résidence épiscopale de Mgr Hub. Otto, un pensionnat-orphelinat pour les jeunes chinois, auxquels ils procurent les bienfaits de l’instruction. A Lanchow, deux missionnaires de la résidence ont, depuis plusieurs années, ouvert une école française, très fréquentée par des jeunes gens chinois, tant chrétiens que païens ; l’un de ces missionnaires, le Père Léon Van Dyck, d’Anvers, est aussi professeur de français de l’Université de Lanchow ; les services qu’il rend sont tenus en haute estime par les autorités. Mandarin à bouton de cristal, le gouvernement central de Pékin vient de lui décerner, en outre, la plume de paon, honneur et distinction très prisée en Chine (5).
(1) Le Kansou ci-avant cité est évidemment l’immense province.du Gansu.
(2) Lanchow ou Lanchow fou est en pinyin Lanzhou, l’actuelle capitale de la Province du Gansu. Encaissée dans une vallée sur le Fleuve Jaune (Huang He), avec ses différentes industries, elle est considérée comme une des villes les plus polluées de Chine.
(3) Sian fou est en réalité Xi’an, l’ancienne capitale de l’empire. Elle est actuellement la capitale de la province du Shaansi.
(4) Robert Vahrenkampf était un ingénieur chimiste belge. Il ne resta pas très longtemps en Chine, on ne sait exactement. C’est lui qui épousera la dernière fille du mandarin, Thérèse Splingaerd dont il n’aura pas d’enfants. Ils sont décédés tous les deux en Belgique. On ne sait rien sur les quatre autres personnages. |
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(5) C’est De Deken lui-même qui nous apprend que le R.P. Léon Van Dyck était également mandarin à bouton de cristal avec la dignité de plume de paon. Nous lui connaissons deux ou trois photographies où il apparaît toujours habillé à la chinoise et une en mandarin. |
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(6) Sur l’ingénieur Robert Geerts, nous n’avons pas de renseignements mais bien quelques photographies. Sur celles-ci, il est souvent accompagné d’une dame toujours bien habillée : c’est sa sœur. |
(7) On dit dans la famille qu’Alphonse Splingaerd aurait tenté d’établir une ligne de bateau sur une partie navigable du Fleuve Jaune, avec du matériel américain. On sait effectivement que le fils aîné du mandarin était venu s’installer à Lanzhou vers la fin de 1907 pour participer à l’effort d’industrialisation du groupe belge. Alphonse avait de la famille dans cette ville (les Zhang) ; leurs propres descendants y vivent toujours et ont été d’un bon accueil lors du voyage des trois cousins dans le Gansu, en 2005.
(8) Sur Albert De Deken, le narrateur de l’article, nous ne possédons aucun renseignement. Mais il était certainement ingénieur des Mines ou ingénieur métallurgique.
(9) Il semble que cet effort des Belges pour industrialiser le Gansu se soit clôturé en 1911 pour cause de Révolution.
(10) Alphonse Splingaerd est identifié en chinois dans les documents d’époque comme étant Lin Ah De, conseiller auprès du vice-roi Peng - Lin Canzan (林參贊) |
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(11) Jean-Jacques Muller, ingénieur textile de Verviers, d’une famille originaire de Welkenraedt, épousera (1909) une des jeunes filles de Paul Splingaerd, Pauline Splingaerd, qui lui donnera quatre enfants – descendance en Belgique. Fut directeur d'un institut textile à Tournai. Durant la guerre de 14-16, il aurait été pris comme otage par l’occupant allemand en tant que "notable" tournaisien et est décédé à Bruxelles de la grippe espagnole qui fit des ravages à l'époque. Dans une autre version, on nous dit qu’il serait mort en captivité. |
(12) Paul Splingaerd est mort le 28 septembre 1906
(13) Telge & Schroeter ; l’agent commercial était un certain M. Kayüss.
(14) Le vice-roi dont question est Peng
(15) Scaillet. |
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(16) Coutelier et Goldman. Le premier faisait partie de la colonie belge de Lanzhou mais nous ne connaissons pas son rôle. Goldman était l'agent américain qui s'occupait du pont. Ces deux personnages sont identifiés par le finnois Mannerheim en 1908 |
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(17) Emile Tysbaert qui vint pour la seconde fois en Chine en accompagnant le général Splingaerd en 1906 et qui assista à son agonie. |
Au regard de l’Histoire, ces articles à connotation anecdotique et parfois entachés d’erreurs, valent leur pesant d’or pour le chercheur mais n’apportent pas son apaisement. Il se serait attendu à moins de superficialité pour étoffer son étude. L’article le plus informatif étant celui de De Deken mais celui-ci, n’ayant pas connu Lin Taren, parle essentiellement de sa continuité. Continuité est peut-être le principal : est-ce vraiment le mandarin qui est à l’origine de l’installation d’une colonie belge à Lanzhou ? Si oui, les héritiers peuvent se dire que leur aïeul est bien à l’origine du fameux pont Zhongshan (ou Sun Yat-sen), premier pont métallique construit sur le Huang He dans sa partie supérieure et méridionale, dont on fêtera l’anniversaire de la construction en 2009.
Aucun facteur économique ou politique ne permettait de supposer qu’une colonie belge de gens industrieux puisse s’installer dans ce coin reculé de l’Empire du Milieu, à Lanzhou. Cette installation n’a été possible que par la volonté du roi Léopold II et la présence et pugnacité du mandarin belge Paul Splingaerd. Mais, les tentatives de pénétration du roi sont restées sans lendemain. Il ne reste donc que Splingaerd. C’est la raison pour laquelle la présence belge dans le Gansu, hormis les missionnaires, doit lui être attribuée, ainsi que l’idée de la construction d’un pont à l’aide de l’industrie européenne.
Le fleuve Jaune, Huang He, et le pont Zhongshan, vus depuis la grande pagode Blanche, à Lanzhou. L'aspect de la ville a beaucoup changé, le pont un petit peu, le fleuve pas du tout. Ses eaux peuvent charrier jusqu'à 35 kg de limon par mètre cube.
Christian Goens - La Louvière - Belgium - septembre 2008 - tous droits réservé