POMPES FUNEBRES ET CORDONS DE POELE - LES FUNERAILLES BOURGEOISES D'ANTANT

suite 2 et commentaires

 

NESTOR POURBAIX

 

Un malheur ne vient jamais seul: un des fils d'Alfred décède à son tour l'année qui suivit son décès. C'est lui qui avait reprit les affaires industrielles de La Louvière.

 

 

Journal 'Les Nouvelles' du 04/09/1931

NECROLOGIE

Les funérailles de M. Nestor Pourbaix

Jeudi matin ont eu lieu à La Louvière, au milieu d'une affluence exceptionnelle de monde, les funérailles de M. Nestor Pourbaix. Un grand nombre de personnalités du monde de l'industrie et du commerce, défilèrent à la mortuaire.

Un discours, évoquant les qualités du défunt, fut prononcé par M. Camille Deberghe, président de l'Harmonie Royale de La Louvière, au comité de laquelle le défunt appartenait.

Les coins du poële étaient tenus par MM. Le baron Boël, sénateur; Camille Beauvent; Camille Deberghe, conseiller provincial; Raoul Heuze; Henry Hallez, secrétaire de l'Association des Commerçants; René Heuze; Auguste Nicodème, vice-président de la Chambre de Commerce et d'Industrie du Centre.

L'Harmonie Royale de La Louvière, accompagnée des membres de son Comité, avait pris place en tête du cortège, jouant des marches funèbres.

Une délégation des Fanfare Royales de Bouvy, avec drapeau, était également présente.

Le deuil était conduit par MM. Georges Berger, Alfred Pourbaix et Louis Pourbaix.

Nous renouvelons à Mme Nestor Pourbaix, à ses enfants, ainsi qu'aux membres de la famille, l'expression de nos vives condoléances.

DISCOURS DE M. Camille DEBERGHE:

C'est le cœur étreint par une émotion profonde que je viens offrir des paroles d'adieu à la mémoire de notre pauvre ami Nestor Pourbaix.

C'est l'homme solide, semblant devoir braver les années, qui est là couché dans ce cercueil, terrassé par une affection contre laquelle, durant des jours et des jours, il a lutté avec une vaillance admirable.

On frémit quand on songe à la somme de souffrances physiques et morales que notre pauvre Nestor a endurées ! Son agonie fut longue, longue; elle dura plus d'un mois ! Tout était pourtant inutile; son entourage le savait. Et lui-même n'en avait-il pas la prescience ? Mais il luttait quand même pour se rattacher à la vie, pour se conserver malgré tout à ceux qu'il aimait et qui, durant les jours d'épreuves, surent encourager leur cher malade avec un rare stoïcisme.

Combien de nos concitoyens ont suivi avec émotion les phases de la maladie de notre ami ! "Tant qu'il y a vie, il y a espoir", dit une locution populaire. Et nonobstant les nouvelles pessimistes, toujours pessimistes, l'on ne cessait d'espérer, attendant quand même l'espèce de miracle qui aurait pu rendre à Nestor cette santé florissante qui avait si longtemps été son apanage.

Appartenant à une vieille famille louvièroise, infiniment respectée, Nestor était le fils de notre toujours regretté Alfred Pourbaix, que nous conduisions, l'an dernier, chargé d'ans et de respect, au champ de l'éternel repos. Nestor avait hérité de son père ces qualités d'ordre, de probité, d'honneur, qu'il pratiqua scrupuleusement durant toute sa vie.

Vaillant, il ne cessa, jusqu'au jour où la maladie vint l(atteindre, de manifester une activité fébrile, donnant à une industrie, à un commerce prospères, tout l'effort dont il était capable.

Il était, à l'exemple de son père, de ceux qui, par l'accomplissement de leur tâche quotidienne, ont coopéré à assurer le développement économique de notre cité, de cette Louvière à laquelle Nestor était intimement attaché par toutes les fibres de son être.

Nestor avait une passion, celle de l'Harmonie Royale de La Louvière, à la fondation de laquelle son père avait contribué il y a environ trois quarts de siècle, c'est-à-dire à une époque où notre commune n'était encore qu'un hameau obscur du petit village de Saint-Vaast. Nestor aimait son Harmonie comme on aime un enfant. Il vivait pour l'Harmonie dont il était un piliers. Jusqu'au jour où sa santé le lui permit, il vint s'asseoir en la salle des répétitions, prodiguant ses conseils et ses encouragements à bon escient.

Alors même qu'il se trouvait sur un lit de douleur, il s'intéressait à la vie de la Société. Détail touchant: un jeudi soir, la fenêtre de sa chambre étant ouverte, entendant de loin une répétition, ayant à peine la force d'ouvrir les yeux, il manifestait néanmoins son intérêt à l'Harmonie en battant la mesure….

Aussi, tous, musiciens et membres du Comité, nous ressentons profondément le vide que va produire dans nos rangs la disparition de notre cher ami Nestor.

Le défunt était sympathiquement connu de toute la population louviéroise. Il avait de nombreux amis; je crois même pouvoir dire qu'il n'avait que des amis. Et sans qu'ils m'en aient spécialement chargé, j'ai l'intime conviction d'être leur porte-parole en offrant à la mémoire de Nestor Pourbaix l'hommage de leur affection et l'expression de leurs regrets.

Madame Pourbaix et ses enfants, dont l'affliction est grande, trouveront peut-être une atténuation à leur légitime douleur dans la manifestation de sympathie qui s'affirme autour de la dépouille de leur cher défunt.

Le Président de l'Harmonie, mon pauvre Nestor, qui éprouvait pour toi une affection infinie, t'exprime, au nom de tes nombreux amis, un adieu ému….

 


COMMENTAIRES

 

Que faut-il retenir, ou conclure, de la lecture de ces annonces et de ces relations d'un autre temps?

C'est avec beaucoup de plaisir que je dédicace ces notes aux nombreux enfants issus d'Antoine, Etienne et Philippe. Ces enfants, ils ne sont plus de la même terre tous et beaucoup viennent de très loin. Ils sont en rupture avec une tradition qui remonte au bas mot au tout début du dix-septième siècle, au fin mot au milieu du quatorzième qui a vu naître les premiers de Pourbaix connus du comté de Hainaut. Ils sont sans doute en rupture et c'est sans doute la meilleure raison de leur rappeler leur héritage. Ce n'est pas exclusivement celui du sang. C'est celui d'une continuité dans la volonté de vivre pleinement sa vie et c'est souvent en la consacrant aux autres qu'elle se parfait. Se consacrant aux autres en participant à l'essor de la société grâce à des idées nouvelles, émises en matière d'art, d'architecture, d'ingénierie, de technologie, d'éducation….

Ceux qui nous ont précédés l'ont prouvé et il est facile, après coup, de deviner leur parcours en lisant entre les lignes.

De ces discours ampoulés prononcés dans des contextes où la neutralité n'est pas de mise (à cause de la couleur du journal), soit à co-notation philosophique, soit à co-notation sociale à tendance politique, il faut retenir plusieurs choses. La première est sans doute le fond qu'ils nous lèguent: de génération en génération se dessine un schéma semblable. Celui de l'altruisme, de la sensibilité, de la classe sociale quasi inamovible.

La seconde est la valeur humaine de ces hommes qui nous ont précédés. Bien sur, cette valeur humaine n'a que le sens que la société en question s'accorde. Qu'en serait-il de l'opinion d'un journal socialiste de l'époque? Nous n'avons pas eu le temps pour l'instant, de nous documenter sur cet aspect des choses. S'il en parle, on peut imaginer moins d'emphase. Mais probablement qu'il évoquerait le fait que dans le monde des familles d'ouvriers mineurs ou faïenciers de l'époque et surtout de la fin du siècle précédent, on ne fait pas de discours et il y a moins de gens.

La photo ci-jointe représente un cortège funèbre du début de siècle. Il ne s'agit pas des funérailles d'un ouvrier mineur, bien entendu mais d'un membre de la famille Hiart, des industriels du coin. Pour être figuratif, observons la photographie: il n'y a pas de femme dans le cortège. Les seules vues se trouvent sur le passage où il y a des badauds de toute espèce. Une première partie du cortège est composée d'hommes coiffés, sans doute du style représentants de….. (usine, harmonie, association, etc.). Vient ensuite le fameux 'poële', sorte de grand drap décoré dont on considère comme un honneur de porter les 'coins' et on est à découvert. Le groupe qui suit représente la famille et les proches. Ils portent le cercueil et sont découverts. Ils sont sensés être conduits par les doyens de la famille qui précèdent. A l'arrière, l'assistance proprement dite, couverte.

Au passage, une majorité de femmes et d'enfants de tous milieux, des badauds curieux. Le long du trottoir, un enfant de pauvre est nu pied. C'était en 1904. Une réalité que l'on oublie sans doute trop souvent. Pas de polémiques: merci Jaurès. Lui aussi était libéral !

Christian Goens - La Louvière - Belgium - tous droits réservés