LE PEUPLE

ORGANE QUOTIDIEN DE LA DEMOCRATIE SOCIALISTE

Mercredi 26 juin 1889

LE MOUCHARD POURBAIX

 


 

Les débats du procès de Mons ont prouvé, clair comme le jour, que le gouvernement belge salarie d'ignobles individus, dont la mission est de se faufiler dans les associations ouvrières, d'y exciter les passions des crédules, d'y fomenter des complots, grâce auxquels police et magistrature jettent le filet au moment psychologique et mettent le grappin sur les plus ardents et les plus enthousiastes, et souvent, surtout sur les plus malheureux des travailleurs.

Malgré les dénégations aussi absurdes qu'intéressées des ministres et ministériels, il est certain que Pourbaix était connu depuis longtemps des hommes du gouvernement et que ce n'est pas un inconnu qu'on recevait nuitamment au ministère. Cela est tellement évident qu'il est presque superflu d'insister sur ce point.

A côté de ce chef d'état-major des provocateurs, gravitaient d'autres individus, comme LALOI, comme ANDRE, comme certains êtres louches dont le rôle a été mis en lumière. Pour Pourbaix et pour quelques-uns de ses intimes, comme l'étrange ROUHETTE, il y a encore des dessous mystérieux qui font croire à bon nombre de gens que ces associés "travaillent" en outre à leur manière, pour un autre patron dont le nom n'est pas encore connu.

Mais ceci n'empêche pas que Pourbaix et ses complices étaient payés par le gouvernement et faisaient officiellement leur besogne.

L'opinion publique est fixée aujourd'hui sur le compte de ces agents, que les ministres consultaient et écoutaient soigneusement aux époques de crise.

Provocateurs, Pourbaix et ses acolytes: ministère des provocateurs, le gouvernement Beernaert De Volder, telle est la réalité visible et évidente. Il est bon et salutaire de la placer sous les yeux du public ouvrier.

Ce n'est pas seulement en Belgique que le gouvernement salarie des gens chargés de l'exécution des ses basses besognes. Des discussions se sont produites au Reichstag impérial d'Allemagne et des révélations ont été imprimées dans les journaux qui fournissent la certitude que le gouvernement allemand stipendie des agents qui se livrent à la plus excitatrice des propagandes, offrant dynamite et appui aux révolutionnaires. Quand ils ne s'occupent pas à cette tâche, ils recherchent des malheureux réfugiés politiques, comme l'infortuné NEVE que le gouvernement belge a lâchement remis aux autorités allemandes.

En France, c'est l'ancien chef de la police, l'ex-préfet de police ANDRIEUX qui dévoile publiquement l'intervention des provocateurs dans les grèves de Monceau-les-Mines suivies, on le sait, de la condamnation de plusieurs pauvres mineurs, victimes des émissaires du gouvernement. Le même ANDRIEUX révèle aussi que la préfecture de police soutenait de son argent un journal archi-révolutionnaire dont le but était d'exciter et de jeter la division parmi les travailleurs socialistes.

En un mot, dans presque tous les pays et surtout dans ceux à régime despotique ou monarchique, le système des provocateurs sévit et cause du mal.

Pour que de semblable moyens soient employés par les gouvernements et dirigés par eux contre les socialistes, - car c'est ceux-ci qu'on veut spécialement atteindre - il faut que le socialisme et ses adhérents inspirent de vives terreurs aux gouvernements.

On ne craint que les ennemis qui sont puissants. Si on combat les socialistes par de pareils moyens, c'est qu'on en a peur et c'est qu'on comprend que dans un prochain avenir, leurs idées doivent triompher.

Au surplus, jamais de telles manœuvres ne peuvent servir une cause, surtout lorsqu'elle est déjà par elle-même aussi mauvaise que celle des conservateurs d'abus et de privilèges, décidés à tout pour maintenir, avec leur suprématie, la misère et l'asservissement des masses.

(s) Le Peuple


 

LES DEBUTS DE POURBAIX

Les feuilles cléricales ont prétendu que Pourbaix n'était pas un ancien agent électoral. C'est audacieux et puéril. Dans le Centre, personne n'oserait soutenir pareil mensonge.

En 1881, Pourbaix avec son ami Pierre LOOR furent parmi les plus remarquables remuants agents des conservateurs catholiques.

Or, vers la même époque, Pourbaix écrivait à un des nôtres pour souhaiter bonne réussite au mouvement démocratique et républicain qui se produisit à la suite des élections censitaires - mouvement qui fut enrayé par les doctrinaires - et lui offrit ses félicitations et son concours. Déjà le double jeu du misérable se manifestait, mais déjà aussi celui auquel il s'adressait se défiait.

Depuis lors, sans manquer une seule occasion, il fut dans le Centre un excitateur effréné, hostile aux idées réfléchies que le parti ouvrier défend et exaltant les plus folles théories qui se produisaient. Il ne tarda pas à se faire honteusement expulser de la Ligue de La Louvière où il s'était faufilé dès la création.

Attaquant sans cesse les hommes et les journaux du parti ouvrier, le misérable épiait tout ce qui se passait, se trouvait à toutes les manifestations, mais restait à l'écart parce que, s'il était venimeux, il était lâche et craignait d'être châtié pour ses mensonges.

Quand éclata la scission dans le parti ouvrier, il attisait et fomentait les colères, menant une campagne acharnée - pour le compte du gouvernement, évidemment - contre Le Peuple et le Conseil général du parti.

On avait la certitude de sa canaillerie, mais les évènements de décembre et une visite faite chez lui fournirent la preuve de ce qu'on pensait.

Son attitude comme témoin à Mons, son arrestation et les faits qui l'ont suivi sont trop récents pour qu'il faille les rappeler.

D'après le témoignage du photographe ROTHERMEL, un des acquittés de Mons, Pourbaix connaissait depuis longtemps le vieux jésuite de sénateur CORNET - ce qui paraît certain - et était même son débiteur. Il comptait le rembourser avec l'argent payé par la sûreté publique.

On connaît les actes, le personnage. Voici son portrait!


 

POURBAIX ET COUSAERT

Un journal conservateur bruxellois, L'Etoile belge, a fait prendre dans le Centre des renseignements sur Pourbaix et sur Cousaeret qui l'accompagna chez Beernaert. Du témoignage d'un ouvrier verrier, le citoyen DE HUIT, il résulte que Pourbaix l'exita à détruire les fours à bassin de la verrerie de Mariemont. Plus tard, on trouva de la dynamite, pourbaisiste évidemment, à cette verrerie.

Christian Goens - La Louvière - Belgium - 2002 - tous droits réservés