HONORE POURBAIX ET L'AFFAIRE DE LA FONTAINE ROUGE DE FERON

Le troisième frère était donc établi à Fourmies-Féron dans le Nord (France), où il tenait une agence de la Banque familiale, du moins avant la cessation des affaires. En fait, il avait épousé la fille d'un notable du lieu, maire de village de père en fils. Elle s'appelait Rosa MOUTIER et ils eurent une fille, Fernande Pourbaix.

C'est de ce mariage qu'est issu l'abbé STAVAUX

Honoré est décédé à Ciney, en Belgique en 1921 dans la maison de retraite St-Joseph, mais il avait été propriétaire de plusieurs fermes et de plusieurs dizaines d'hectares de pâture à Féron, dans le pays Avesnes. Il est inhumé à Féron où il résidait dans le château des Bruyères.

C'est justement ces pâtures qui forment le sel de cette histoire car on trouvait sur ses propriétés la fameuse source 'La Fontaine Rouge' qui aurait pu devenir l'égal de Spa ou autres lieux où sourdent des sources à la qualité particulière.

Voici en un mot de quoi il s'agit, avant que cela ne s'oublie ou que cela ne se perde car le dernier descendant d'Honoré, l'abbé STAVAUX (fils de Fernande précitée) est aujourd'hui décédé. Il avait donné son corps à la science et vient d'être inhumé ce mois de mai 2006.

Le projet assez fabuleux du casino

Donc la Fontaine était connue depuis au moins le début du dix-huitième siècle sans avoir jamais été réellement exploitée. Jusqu'au jour ou la famille Moutier entreprend des travaux signalés dans un ouvrage de 1859, référence reprise ultérieurement dans un autre ouvrage en 1888. Un nommé Michaux affirme au milieu du XIX siècle que "M. Moutier, propriétaire de la pâture dans laquelle sourd la source, l'a fait renfermer dans un massif de maçonnerie (une chambre de captage), d'où l'eau est jetée par une gargouille en forme de tête de poisson, dans un bassin circulaire en belles pierres bleues". Les spécialistes ne pensent pas qu'il y eut réellement une exploitation. Mais le 26 juillet 1891, l'Observateur d'Avesnes se pose la question suivante; "A quand la mise en exploitation de la fontaine ferrugineuse et la création des thermes de Féron, le Spa français?" Au même moment, la Compagnie des Chemins de Fer du Nord établit un arrêt à Féron. C'est donc un projet latent. Le propriétaire, M. Pourbaix, est le gendre de M. Benoni Moutier, propriétaire et ancien maire de Féron. A plusieurs reprises, dans les archives municipales de Féron, il est reconnu comme "banquier originaire de Binche". En septembre 1906, une déclaration relative au débit de boisson de Féron le désigne comme "rentier" au moment où il consent à louer un café. Cet établissement est situé route de Fourmies à la Fontaine Rouge. On soupçonne une relation directe avec un éventuel embouteillage et un système de vente via deux commerçants locaux.

Le projet: les pâtures adjacentes ayant été acquises par un industriel local, M. Léon Divry, il met au point dès 1904 un projet très ambitieux de station thermale dénommé Royale-Féron. Grâce aux journaux locaux, il est possible d'apprécier cet étonnant projet, digne des stations thermales les plus renommées. Une édition du 11 septembre 1904 présente en effet, une remarquable vue en perspective de la façade grandiose du casino-hotel de la Fontaine Rouge, résultat de l'imagination du plus célèbre architecte du Nord, à l'époque, Louis Cordonnier, relayé sur place par M. Jean Lafitte, architecte de Fourmies. Un édifice de 6 étages s'étendait en façade sur près de 80 mètres, et 20 mètres environ de profondeur, devait se construire dès 1905, sur les terrains de M.M. Divry et Pourbaix. Avec une salle de spectacle où l'on jouerait "pendant toute la saison l'opéra comique, l'opérette, le vaudeville, différentes salles pour les jeux du casinos"….Les fondateurs escomptaient dès la première année attirer le cinquième des 20000 visiteurs de Spa, station que l'on considérait comme morte cette année-là, puisque les jeux y étaient supprimés. Pour mener à bien l'opération, il fallait réunir la somme de 1.200000 francs or, chose faite dès décembre 1904 aux deux tiers sous forme de souscription.

Nous savons, évidemment, que ce grand dessein n'a jamais abouti, pour de nombreuses raisons dont celle de l'utilisation du terme 'Royale-Féron' pour désigner l'établissement qui choquait les républicains. Enfin, le rêve s'est éteint. Dans une de ses lettres, M. L'abbé Stavaux nous dit qu'il se rappelle bien de ce projet de station thermale. Mais qu'il n'avait que treize ans lorsque son grand-père Pourbaix est mort.

Auguste est à l'origine de la souche polonaise

Honoré, Auguste et Alfred étaient banquiers à Binche, en 1873, on l'a vu. La famille aurait déjà acquis des propriétés en Pologne en 1861. Nous ignorons si c'est sur l'initiative des Pourbaix, des LANGHENDRIES ou des RAVAUX. Il semblerait que ce ne soit pas Auguste qui devait primitivement partir, mais bien Alfred ou Honoré. En fait, au moment de partir, la famille était pratiquement ruinée mais Alfred était mort et Honoré se trouvait très bien en France où il vivait à l'abris comme un seigneur, avec une fille. Auguste avait son aîné et deux filles. Les beaux-parents furent du voyage sans retour. Il s'agissait d'aller défendre leurs intérêts de Russie. La propriété primitive était située près de Volyn et s'appelait Myck ou Mytzk. Le fils d'Auguste, Camille, l'aîné, était âgé d'une vingtaine d'années lorsque la famille est partie, ce qui situerait le départ vers les années 1893. En tous cas, ils étaient encore à Binche en 1887 puisque la famille de Lille possède une lettre datée du 28/01/1887 à en-tête de POURBAIX-BERNIER et Cie, banquiers à Binche; elle est signée Auguste Pourbaix. Il n'est pas impossible que des voyages aient été entrepris, car la famille nous dit que (Nous devons la plus grande partie de ces éléments et de leur relation à Monsieur et Madame Kazimierz de Pourbaix-Treter, Randow (Canada).puis Nivelles (Belgique)), vers les années 1879, cette propriété primitive fut vendue et la famille acheta les propriétés de HORODEC et de WLODZIMIERZEC près de Sarny (région de WOLYN, actuellement Biélorussie) et JANOWEK, près de Lublin (toujours en Pologne).

Le château d'Horodec tout de suite après la première guerre mondiale. C'est là que la famille a été élevée.

Auguste et son fils Camille se manifestèrent non seulement en qualité de bons gestionnaires de leurs propriétés (jusque 8000 hectares à HORODEC, dont environ 1500 étaient cultivés, le reste étant constitué de forêts), mais également comme entrepreneurs et industriels. La propriété de WLODZIMIERZEC, achetée en 1911, comptait 4000 hectares, dont 800 de terres arables et 3200 de forêts (Nous lisons cependant dans le Gotha (année d'édition non communiquée), au chapitre des (von Miaczyn) Miaczinski, que Marie Angelika (Myaczynska) était dame de Wlodzimirzec (5000 ha), Volyn, épouse de Kamil de Pourbaix, seigneur d'Horodec, Antonowka et autres lieux (14000 ha) et Myck (7800 ha), Volynie.). La famille habitait à HORODEC et la gestion de l'autre propriété était confiée à un administrateur. Celle de JANOWEK, la troisième propriété, fut achetée en 1918. C'est au cours de ses voyages dans ces différentes propriétés que la comtesse mit au monde certains de ses enfants. Les deux grandes propriétés ont été perdues par la famille à la suite de l'annexion de l'est de la Pologne à la Russie lors des accords de Yalta. Quant à Janowek, la propriété a été sujette à parcellement suite à l'installation de la politique agraire de la Pologne dans l'entre-deux guerres.

Auguste Pourbaix, son épouse Irma RAVAUX ainsi que son beau-père RAVAUX sont décédés tous trois à HORODEC, le premier vers 1921-22.

La 'maison' de la propriété de Wlodzimierzec, près de Sarny (Bielorussie), en mauvais état après la Première guerre, vers 1920

Note de l'éditeur: j'ai lu en son temps une information que nous n'avons pas vérifiée et dont la référence est perdue, à savoir que la fin de la Banque Pourbaix-Bernier fut déterminée par une faillite, provoquée par le fait que le sieur Bernier se serait enfoui avec l'équivalent de 500 mille francs-or, somme considérable, s'il en est.

Aujourd'hui, grâce ou à cause des polonais, le nom de Pourbaix ou plutôt des de Pourbaix est distillé un peu partout dans le monde, particulièrement en Pologne, aux USA, en Suède et au Canada. Lorsque vous repérez un 'de Pourbaix' moderne, vous pouvez être certain que c'est un polonais. Dans vingt ou au plus tard quarante ans, ces de Pourbaix, intégrés et assimilés dans leur pays d'accueil, parleront bien des langues différentes et auront oublié la langue de l'époque de gloire. Tout comme ils ont oublié qu'il y a à peine cent cinquante ans, ils parlaient le français et étaient originaire du Centre, dans le Hainaut belge.

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