NICOLAS AUGUSTIN POURBAIX (suite 2)

ELOGE FUNEBRE DU DOCTEUR POURBAIX

 

Les éloges funèbres, souvent très académiques lorsqu'elles étaient prononcées à la fin du siècle dernier, sont pleins de mérite. Elles nous donnent des détails depuis longtemps oubliés et nous font prendre un bain d'ambiance attachée à une époque. Celle qui fut prononcée par Monsieur le Docteur GREGOIRE, en séance du syndicat médical du Centre, le 12 août 1897, suite au décès d'Augustin POURBAIX , a le mérite d'être courte et de résumer de façon concise, la vie du personnage: la voici: (le docteur GREGOIRE avait été bourgmestre faisant fonction de La Louvière; le Syndicat médical avait fait paraître son propre faire-part de décès)

Messieurs, notre regretté Président d'honneur ayant exprimé formellement le désir qu'il ne fut point prononcé de discours à ses funérailles, votre comité a jugé bon de remettre son éloge funèbre à la prochaine réunion du syndicat. Notre honorable président, m'a confié la mission de le remplacer en cette circonstance, et en raison des relations d'amitié que j'ai toujours eues avec le confrère Pourbaix, j'ai cru ne pas pouvoir décliner cet honneur. Toutefois, Messieurs, permettez-moi de réclamer toute votre indulgence, et veuillez bien m'excuser, si j'ai trop présumé de moi-même, si la tâche est au-dessus de mes forces. AUGUSTIN POURBAIX naquit en 1830 à Houdeng-Aimeries d'une famille honorablement connue dans le pays. Il alla faire ses études de médecine à l'Université de Louvain et il en revint en 1856, avec le diplôme de docteur en médecine, chirurgie et accouchements. C'était l'époque où l'industrie commençait à s'implanter dans le Centre, pour arriver peu à peu à la grande prospérité qu'on admire aujourd'hui. En ce temps là, Messieurs, La Louvière n'était qu'une dépendance de Saint-Vaast; sa population était peu élevée; notre regretté confrère eut sans doute l'intuition de l'avenir prestigieux, réservé à cette bourgade naissante, et confiant dans son étoile, il y vint dresser sa tente. Il n'eut pas à s'en repentir, comme vous le savez, car bientôt notre jeune docteur pût s'assurer une magnifique clientèle, tant dans les meilleures familles, que dans les charbonnages et les divers établissements industriels, qui se créaient à chaque instant. C'était l'âge d'or, Messieurs, pour les médecins, car l'ouvrier abonné ne connaissait la liberté que de nom. Il ne la réclamait pas d'ailleurs; d'un autre côté, les praticiens étant relativement peu nombreux, la besogne, quelque importante qu'elle fut parfois, se faisait sans susciter de récrimination, et le médecin était respecté tout autant des ouvriers, que des patrons. Il fallait une santé de fer et un courage à toute épreuve pour suffire à la tâche de tous les jours: le confrère Pourbaix possédait à un très haut degré ces deux qualités. Son habilité chirurgicale eut souvent l'occasion de se démontrer, dans les accidents de charbonnage, qui malheureusement arrivaient nombreux à cette époque; sa compétence en chirurgie était universellement reconnue; aussi lorsque la Caisse de Prévoyance des ouvriers mineurs du Centre décida de créer un comité pour la révision annuelle de pension de ses blessés, Pourbaix fut désigné pour en faire partie, et il remplit ce mandat pendant vingt années consécutives. Il possédait d'instinct et avait contracté au cours de ses longs rapports avec la classe ouvrière, l'habitude de la franchise, qu'au premier abord on eut pu prendre pour de la rudesse; mais le premier mouvement passé, il laissait bientôt percer la bonté, la bonhomie, vertus filles et sœurs du dévouement. Il avait également les meilleures relations avec ses confrères, mais étant lui-même d'une correction parfaite, il exigeait chez les autres de la dignité dans le caractère et ne transigeait pas sur la question de l'honneur. En dehors de ses occupations professionnelles, il avait cru, au début de sa carrière, payer son tribut, à cette grande fascinatrice, qui apparaît toujours les mains pleines des plus décevantes promesses, j'ai nommé la politique, et il remplit un mandat de trois années, en qualité de conseiller communal de Saint-Vaast. Alors La Louvière, bourg important, déjà presque une ville, obtint la séparation et fut érigée en commune distincte; et notre confrère, discutant sans cesse et sans relâche au sujet de l'avenir de la nouvelle agglomération, se créa des adversaires ardents: il ne fut pas réélu. Cependant le gouvernement, reconnaissant les services nombreux, rendus par Pourbaix au cours des diverses épidémies lui accorda d'abord la médaille civique de 1 re classe en 1867, et ensuite la croix civique de 2 me classe en 1872. Il n'en était pas plus fier pour cela, et rarement il portait les insignes de ces récompenses honorifiques, qu'il n'avait d'ailleurs pas sollicitées. A ce propos, Messieurs, vous savez tous, que nous avions tous résolu de fêter ensemble le 40 è anniversaire de son existence professionnelle et que nous espérions lui faire accorder à son insu, le ruban de l'ordre de Léopold, pour couronner la fête. Hélas ! Messieurs, notre confrère, dont la santé était fort ébranlée depuis deux ans, ne devait pas voir aboutir cette manifestation. Il se sentait lui-même atteint jusque dans les fibres les plus profondes de son être, il ne comptait plus sur un rétablissement, que ses amis lui pronostiquait en vain. Comblé de soins dévoués, par une épouse tendrement aimée, il vit arriver la mort en philosophe avec la résignation, la sérénité que donne la conscience d'une carrière bien remplie: son souvenir, Messieurs, vivra longtemps parmi nous.

 

Tel fut le discours très académique qui fut prononcé, non pas sur sa tombe, mais en autre lieu, parmi des confrères éplorés et visiblement attentifs.

Il est remarquable de souligner que l'obédience d'Augustin était visiblement, disons, catholique, ce qui philosophiquement était acceptable, mais certainement fixiste et pas nécessairement très progressif. Autre temps, autres mœurs. Comment voulez-vous juger aujourd'hui? Pendant ce temps, un autre Pourbaix, le très libéral Alfred, actif en diable, de tous les coups, formait avec des partenaires de ses relations, une autre société de prêts à la construction ouvrière. Je reprends ici les deux articles de journaux que Jules Vanhese, maître en la matière, nous fit découvrir dans le livre précité. Un vrai poème. Remarquez la proximité des deux dates.

 

Médecin lettré et poète? Sans doute, comme le prouverait ce poème qui suit, écrit de sa main trois ans avant son décès, le 8 septembre 1895. "Lorsque vous êtes sage, oh ma chère Zoé, je ne sais regarder n'importe quelle beauté. Mais quand vous me boudez, que vous êtes colère, que le diable m'emporte si je cherche à vous plaire"

 

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Christian GOENS - LA LOUVIERE - Belgium - octobre 2002

révision mars 2004

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